SOURCE : 3ème civ, 8 avril 2015, n°14-14385, Inédit
Les articles L512-14 à L512-19 du Code de l’environnement contiennent des dispositions communes à l’ensemble des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE), que ces installations soient soumises à autorisation ou à déclaration. Plus particulièrement, l’article L512-17 du Code de l’environnement encadre la cessation d’activité d’une ICPE :
« Lorsque l’installation est mise à l’arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 et qu’il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme et, s’il ne s’agit pas de l’exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l’installation.
A défaut d’accord entre les personnes mentionnées au premier alinéa, lorsque l’installation est mise à l’arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 et qu’il permette un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation mise à l’arrêt. »
A l’instar des administrations, le propriétaire d’un site peut donc invoquer les dispositions de cet article afin de contraindre l’exploitant d’ICPE cessant son activité à procéder à la dépollution des sols par lui souillés, afin que le terrain ne présente aucun danger ou inconvénient pour « la commodité du voisinage, (…) la santé, la sécurité, la salubrité publiques, (…) l’agriculture, (…) la protection de la nature, de l’environnement et des paysages (…) ». Cela suppose cependant que l’exploitant cesse son activité. Quid si le propriétaire avait un temps envisagé de poursuivre l’exploitation, avant d’y renoncer ?
En l’espèce, le propriétaire d’un terrain y exploitait une activité de station service qu’il avait donné en location gérance à une société. A l’expiration de la durée contractuelle, le locataire gérant décide de ne pas reconduire le contrat. Une étude du sol révèle une pollution d’hydrocarbures liée à l’activité du locataire gérant, présentant un risque de pollution des captations d’eau voisines.
Le propriétaire du fonds, en sa qualité de propriétaire du terrain, après avoir évoqué la possibilité de reprendre à son compte ou pour un tiers l’activité, ne donne pas suite à ce projet et invoque les dispositions de l’article L512-17 pour contraindre le locataire gérant à dépolluer le site. En effet, ayant renoncé à poursuivre l’activité, le propriétaire estimait que la station était de facto, mise à l’arrêt.
La Cour d’appel de Paris relève que le propriétaire avait évoqué son intention de poursuivre l’exploitation de l’activité et n’a jamais manifesté ensuite son intention claire de ne pas poursuivre ce projet de reprise, ce d’autant plus que les demandes du propriétaire tendaient à remettre le site en état d’un usage conforme à l’exploitation de station-service.
Par conséquent, les juges du fond considèrent que le propriétaire est mal fondé à se prévaloir des dispositions de l’article L512-17 du Code de l’environnement concernant l’arrêt d’activité d’une ICPE puisqu’il n’y a pas d’arrêt d’activité définitive.
La Cour de cassation approuve cette position : le propriétaire n’établit pas « que la fin de la location gérance (…) impliquait une cessation définitive d’activité ». La demande du propriétaire relative à la dépollution devait donc être rejetée.
Il n’était donc pas opportun pour le propriétaire de se fonder sur ces dispositions. Une stipulation particulière du contrat de location gérance relative à la dépollution du site aurait pu permettre au propriétaire d’obtenir gain de cause par une simple demande d’exécution du contrat, ou à défaut, le propriétaire aurait du se fonder sur les articles 1730 et suivants du code civil, le droit commun de la remise en état, pour obliger le locataire gérant à se conformer à ses obligations.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats