La DGCCRF peut désormais rendre publiques ses injonctions.

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

Un récent décret renforce les pouvoirs de la DGCCRF, désormais dans certaines circonstances, à rendre publiques les mesures imposées aux entreprises dans le cadre de ses prérogatives de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles ou de protection des consommateurs.

Source : Décret 2022-1701 du 29 décembre 2022

I –

Il existe, en France, un dispositif de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles ou de protection des consommateurs, confié à la DGCCRF dès lors que ces pratiques s’inscrivent sur un plan national, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas susceptibles d’affecter le commerce entre les états membres de l’Union Européenne ou constituent un dérèglement de la protection des consommateurs. Au niveau Européen, de telles pratiques seraient de la compétence de la Commission Européenne.

Ainsi, sur un plan national, les agents de la DGCCRF peuvent enjoindre une entreprise nationale ou implantée en France :

  • Au niveau du droit de la concurrence, de cesser les pratiques restrictives de concurrence parmi lesquelles on retrouve, généralement sans que cette liste soit limitative, des conditions générales de vente, des délais de paiement déséquilibrés, mais également la pratique de la revente à perte, la soumission du cocontractant à un avantage sans aucune contrepartie, etc . Cette injonction peut faire l’objet d’une mesure de publicité posée par l’article L.470-1, issu de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 ;
  • En ce qui concerne le respect du Code de la Consommation, les injonctions délivrées par la DGCCRF peuvent faire l’objet de publicité au regard des dispositions des articles L.521-1 à L.521-3 du Code de la Consommation.

Ce qui est désormais intéressant, avec le décret commenté, c’est l’extension du principe du « name and shame », instauré par la loi Fraude[1], en matière fiscale, qui met en œuvre une logique de publicité plus large des sanctions tant pénales qu’administratives.

Concrètement, le « naming and shaming » consiste à appliquer par défaut la peine complémentaire de publication et de diffusion des décisions de condamnation pour fraude fiscale, aujourd’hui prononcée de manière facultative par le Juge Pénal.

A cet égard, la DGCCRF disposait, déjà, de la possibilité de divulguer le nom des entreprises condamnées à des sanctions administratives pour manquement au titre IV du livre IV du Code de Commerce, mais l’originalité de ce décret est la possibilité désormais ouverte à cette administration de divulguer le nom des entreprises faisant l’objet de mesures d’injonction, essentiellement issues de la loi du 16 août 2022, ce qui lui permet ainsi de « renforcer le caractère dissuasif des suites qu’elle met en œuvre à la suite de ses contrôles »[2].

Plus que la sanction administrative, c’est la dégradation de l’image publique qui est recherchée.

Le décret, entré en vigueur le 31 décembre 2022, précise les modalités de publicité de ces différentes injonctions, savoir :

  • La publicité peut être effectuée par voie de presse, voie électronique, voie d’affichage (par exemple, dans un magasin) ou même au journal officiel ;
  • La diffusion peut être accompagnée d’un message de sensibilisation du public sur des pratiques relevées ;
  • En cas de blocage de l’accès au site internet, ce qui est, en général, une mesure dont la gravité est proportionnelle à l’infraction constatée, la DGCCRF peut ordonner que les opérateurs de la plateforme en ligne dirigent les consommateurs vers une page du Ministre de l’Economie indiquant les motifs du blocage.

[1] Loi n°2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude

[2] Communiqué de presse du 30 décembre 2022

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