Bail commercial, fixation judiciaire du loyer de renouvellement, lissage du loyer déplafonné et office du juge des loyers commerciaux

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

Dans son arrêt publié au Bulletin en date du 25 janvier 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel il n’entre pas dans l’office du juge des loyers commerciaux, ou de la Cour d’appel saisie de l’appel d’un jugement du juge des loyers, de se prononcer sur l’étalement de la hausse du loyer déplafonné, dispositif distinct de celui de la fixation du loyer de renouvellement.

SOURCE : Cass. civ 3ème, 25 janvier 2023, n°21-21943, FS – B

Le plus simple pour les lecteurs CHRONOS, est de prendre connaissance des titrages et résumés de l’arrêt publié rendu le 25 janvier 2023 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, qui constituent la quintessence de l’apport doctrinal de l’arrêt :


« Le dernier alinéa de l’article L. 145-34 n’instaure, dans les cas qu’il détermine, qu’un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative. Le juge des loyers commerciaux connaissant, aux termes de l’article R. 145-23 du code de commerce, des seules contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, et ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il n’entre dès lors pas dans son office de statuer sur l’application de ce texte. Il en est de même pour la cour d’appel, laquelle, saisie de l’appel d’un jugement du juge des loyers commerciaux ne peut statuer que dans la limite des pouvoirs de celui-ci ».

En statuant ainsi, la Haute juridiction précise qu’il n’entre pas dans l’office du juge des loyers commerciaux et à une Cour d’appel saisie d’un jugement du juge de loyers commerciaux, de statuer au-delà de la limite de ses pouvoirs et de se prononcer sur l’étalement de la hausse du loyer déplafonné à la valeur locative.

Pour fonder son apport doctrinal, la Cour de cassation se prononce au visa des articles L145-34 du Code de commerce dernier alinéa aux termes duquel :

« En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».

Et de l’article R145-23 du même Code selon lequel :

« Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. (…).

Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent.

(…) ».

Le litige soumis à la troisième chambre s’inscrivait dans un schéma classique où bailleur et preneur s’opposaient sur la fixation du loyer du bail de renouvellement devant le juge des loyers commerciaux.

La particularité de l’espèce tient au fait qu’en cause d’appel, le locataire commercial a sollicité à titre subsidiaire, de fixer le loyer déplafonné à une certaine somme et de juger que les augmentations de loyer résultant de la hausse ne pourraient être supérieures à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente conformément au dernier alinéa de l’article L145-34 précité.

Les Hauts magistrats censurent partiellement l’arrêt déféré, pour outrepassement des pouvoirs du juge d’appel.

L’arrêt rendu s’inscrit dans le prolongement d’un avis rendu par la troisième chambre en date du 9 mars 2018[1] dont les titrages et résumés sont littéralement repris comme suit

« L’étalement de l’augmentation du loyer déplafonné prévu par le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce s’opère chaque année par une majoration non modulable de 10 % du loyer de l’année précédente. Il n’entre pas dans l’office du juge des loyers commerciaux, mais dans celui des parties, d’arrêter l’échéancier des loyers qui seront exigibles durant la période au cours de laquelle s’applique l’étalement de la hausse du loyer instauré par ce texte »

Le lissage du déplafonnement n’étant pas d’ordre public, les parties disposent de toute la latitude d’y renoncer purement et simplement ou alors de l’aménager en établissant par exemple l’échéancier de l’augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir.

Nous noterons enfin que la troisième chambre rappelle au visa de l’article L145-8 du Code de commerce, que l’impôt foncier mis contractuellement à la charge du locataire, constitue une charge exorbitante justifiant une diminution de la valeur locative, à l’appréciation souveraine des juges du fond.


[1] Cass. civ 3ème, 9 mars 2018, n°17-70040, FS – B

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article