SOURCE : Cass. com., 24 mars 2014, n° 13-10.534. Arrêt n° 226 P+B
Préalablement à la réflexion que l’on peut retirer de l’arrêt présentement commenté, il échet de rappeler la règle posée par l’article L.622-21 du Code de Commerce selon laquelle le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;
2° A la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.
De même, toujours au visa de l’article précité, il arrête ou interdit également toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture.
De ce principe, il s’induit que dés qu’une procédure collective est ouverte à l’encontre d’un débiteur faisant l’objet d’une procédure saisie immobilière, cette dernière est suspendue.
La question posée par cet arrêt est de savoir que devient ce principe si l’immeuble a été adjugé, mais qu’une déclaration de surenchère est formée par un surenchérisseur ?
Avant d’y répondre, il faut d’ores et déjà admettre que le principe posé par l’article L.622-21 précité n’est pas applicable en cas d’adjudication définitive (le délai de 10 jours pour former surenchère étant passé), dés lors que lors de l’adjudication, le débiteur saisi n’étant pas en redressement judiciaire, le bien est sorti de son patrimoine pour entrer dans celui de l’adjudicataire.
Mais lorsque l’adjudication n’est pas définitive, et qu’une surenchère est formée, il faut savoir que la déclaration de surenchère anéantit la première adjudication, laquelle n’est censée n’avoir jamais existé, de sorte que pendant le délai qui s’écoule entre l’adjudication et la surenchère, le bien saisi reste la propriété du saisi, et par voie de conséquence, la procédure de saisie immobilière doit être suspendue.[1]
Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt présentement commenté, la problématique était différente dans la mesure où le débiteur saisi a été mis en redressement judiciaire après l’adjudication, mais pendant le délai ouvert pour faire surenchère.
Les faits sont les suivants :
Une banque a consenti un prêt à une société cautionnée avec affectation hypothécaire par 2 SCI.
Après avoir fait délivrer un commandement de payer valant saisie aux SCI, le Juge de l’Exécution a ordonné la vente forcée de l’immeuble saisi, lequel a été adjugé à une société.
Mme. X, M.Y et une société Z ont chacun formé une déclaration de surenchère dans le délai de 10 jours.
Ce même jour, les SCI, débiteurs saisis ont été mises en redressement judiciaire, un plan de redressement a été adopté par le tribunal et un commissaire à l’exécution du plan a été désigné.
Les SCI, le commissaire au plan ont saisi la Juge de l’Exécution aux fins de voir constater la suspension de la procédure de saisie immobilière, résultant de l’ouverture de la procédure collective.
La Cour d’Appel, en application de l’article 99 du Décret du 27 juillet 2006, devenu R.322-25 du Code des Procédures Civiles d’Exécution a rejeté les demandes des sociétés débitrices et du Commissaire à l’exécution plan, en considérant qu’au visa de cet article, les enchères sont reprises en cas de surenchère de sorte que la vente elle-même ne peut être remise en cause et que de facto, la surenchère n’étant qu’une modalité de l’enchère, le jugement d’adjudication intervenu avant le jugement d’ouverture de la procédure collective des débiteurs saisis a fait sortir définitivement le bien du patrimoine de ces derniers.
Cette analyse est censurée par la Cour de Cassation qui casse l’Arrêt rendu par la Cour d’Appel pour violation des articles L.622-21 du Code de Commerce, ensembles les articles 2208 ancien du Code Civil (devenu L. 322-10 du Code des Procédures Civiles d’Exécution) 94, 95 et 99 du Décret du 27 juillet 2006 (devenus respectivement R.322-50, R.322-51 et R.322-55 du Code des Procédures Civiles d’Exécution).
Au travers de cet arrêt, et en reprenant les articles susvisés, la Cour de Cassation rappelle qu’en l’absence d’adjudication définitive avant l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire du saisi, la procédure de saisie immobilière est suspendue.
Geneviève FERRETTI
Vivaldi-Avocats
[1] Cass.27.CIV.24 mars 1993, n° 90-18.599