Transmission universelle de patrimoine réalisée pendant la période de crise sanitaire : effet de la prorogation des délais échus prévue à l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : note du Ministère de la Justice, Direction des Affaires Civiles et du Sceau en date du 14 avril 2020

 

L’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire, permet de reporter le terme ou l’échéance de tout acte prescrit par la loi ou le règlement qui devait être réalisé pendant la période juridiquement protégée, c’est-à-dire entre le 12 mars 2020 et l’expiration du délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire soit à ce jour le 10 août 2020.

 

Cet article précise que ces actes seront ainsi valablement accomplis s’ils interviennent dans un délai supplémentaire qui correspond au délai légalement imparti que l’on fait de nouveau courir à compter de cette dernière date, ce délai supplémentaire ne pouvant excéder toutefois 2 mois.

 

L’interprétation de ces dispositions s’est posée dans le cas de la réalisation d’une transmission universelle de patrimoine régie par l’article 1844-5 du Code civil pendant la période d’état d’urgence sanitaire.

 

Pour mémoire, la transmission universelle de patrimoine est une décision par laquelle une société décide de dissoudre la filiale qu’elle détient à 100% par simple décision unilatérale.

 

Cette opération entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société dissoute à la société mère, associée unique, sans qu’il y ait lieu à liquidation.

 

Toutefois, il a été édité une règle de protection des créanciers de la société dissoute, lesquels disposent d’un droit d’opposition à la dissolution leur permettant d’obtenir le remboursement de leurs créances ou la constitution de garanties avant la réalisation de la transmission universelle de patrimoine, pourvu qu’ils exercent ce droit dans un délai de 30 jours à compter de la publication parue dans un journal d’annonces légales.

 

L’opposition des créanciers se traduit par une action en justice devant être intentée dans un délai de 30 jours à compter de la publication de la décision de dissolution, à peine de forclusion.

 

Par suite, les conditions d’application du premier alinéa de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 sont remplies, de sorte que le droit d’opposition des créanciers en matière de transmission universelle de patrimoine, bénéficie donc du mécanisme de report prévu par cette disposition.

 

Pour autant, la note de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau du 14 avril 2020 précise que ce mécanisme ne conduit pas pour autant à suspendre le délai d’opposition, de sorte que le créancier peut valablement former son opposition pendant le délai de 30 jours suivant la publication de la décision, y compris lorsque ce délai expire pendant la période de protection juridique.

 

Toutefois, si l’opposition est réalisée dans un délai de 30 jours suivant la fin de la période juridiquement protégée soit avant le 10 août 2020, cette opposition sera réputée avoir été faite dans les temps.

 

La note technique de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau rappelle qu’il résulte de l’article 1844-5 §3 du Code Civil que la transmission du patrimoine n’est réalisée et il n’y a disparition de la personne morale qu’à l’issue du délai d’opposition ou, le cas échéant, lorsque l’opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées.

 

La date de réalisation de la transmission du patrimoine ne correspond pas à un « acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrite par la loi ou le règlement » au sens de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306.

 

En effet, la transmission universelle de patrimoine et la disparition de la personnalité morale sont automatiques puisque aucun acte n’est nécessaire pour constater cet état, il s’agit uniquement d’un effet des actions accomplies antérieurement c’est-à-dire la décision de dissolution et la publication de cette décision dans un journal d’annonces légales.

 

Le mécanisme de l’article 2 ne s’applique donc pas à la réalisation de la transmission universelle de patrimoine.

 

Par suite, cette disposition permet seulement de déclarer valable une opposition faite hors délai, mais elle ne conduit pas à décaler la date de la réalisation de la transmission universelle de patrimoine, laquelle demeure réalisée à l’issue du délai de 30 jours suivant la publication de la décision de dissolution ou, si une opposition a été formée pendant ce délai, lorsque cette opposition est rejetée en première instance ou que le remboursement des créances ou les garanties constituées.

 

La note de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau précise que sous réserve de l’appréciation des juridictions, il lui semble que le créancier qui souhaiterait bénéficier de l’article 2 de l’ordonnance 2020-306, et qui formerait opposition à la dissolution alors que la transmission universelle de patrimoine aurait déjà produit effet, pourrait faire valoir ses droits auprès de l’associée unique.

 

En effet, la société initialement débitrice ayant perdu sa personnalité juridique et transmis l’intégralité de son actif et de son passif à son associée unique, le créancier pourra solliciter le remboursement anticipé de sa créance ou la constitution de garanties auprès de la société absorbante.

Partager cet article