Vers une exonération totale de la plus-value de cession de la résidence principale par des non-résidents

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

 

Source : Tribunal Administratif de Versailles, 26 juin 2018, n° 1503365

 

Aux termes de l’article 150 U, II-1° du Code général des impôts, la plus-value réalisée par un contribuable lors de la cession de sa résidence principale est exonérée, quel que soit le type de logement (maison individuelle ou appartement). L’exonération s’applique quels que soient les motifs de la cession, le montant de la plus-value et l’affectation future du bien cédé.

 

Un mécanisme d’exonération similaire est prévu à l’article 150 U, II-2° du Code général des impôts pour les contribuables non-résidents, ressortissants d’un Etat de l’Espace économique européen, qui cèdent un logement situé en France à la double condition que :

 

– Le contribuable cédant doit avoir été fiscalement domicilié en France de manière continue pendant au moins 2 ans à un moment quelconque avant la cession ;

 

– La cession doit être réalisée au plus tard le 31 décembre de la cinquième année suivant celle du transfert par le cédant de son domicile fiscal hors de France ou, sans conditions de délai, si le cédant a la libre disposition du bien au moins depuis le 1er janvier de l’année précédant celle de la cession.

 

L’exonération s’applique dans la limite d’une résidence par contribuable et de 150 000 € de plus-value nette imposable.

 

Le Conseil Constitutionnel a été saisi de la question de la conformité de ces dispositions avec la Constitution le 31 juillet 2017, les requérants soutenaient que les dispositions de l’article 150 U, II-2° du CGI étaient contraires aux principes d’égalité devant le loi et devant les charges publiques en ce qu’elles ne permettaient pas l’application de l’exonération d’impôt sur le revenu et, par ricochet, de contributions sociales, de la plus-value de cession au titre de la résidence principale lorsque la cession est réalisée par un contribuable devenu non résident fiscal à la date de cession du bien.

 

Dans sa décision n° 2017-668 QPC du 27 octobre 2017, le Conseil Constitutionnel constate qu’il existe effectivement une différence de traitement instituée entre deux contribuables cédant leur résidence principale après avoir quitté les lieux, selon qu’ils sont ou non fiscalement domiciliés en France à la date de cette cession. Il considère toutefois que cette différence de traitement est justifiée par une différence de situation. En conséquence, les dispositions contestées sont jugées conformes à la Constitution.

 

Dans l’affaire présentée devant le Tribunal Administration de Versailles, le 26 juin 2018, les requérants soutiennent que les dispositions de l’article 150 U, II-2° du CGI sont contraires au principe de libre circulation des capitaux prévu par l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.

 

En l’espèce, les époux X occupaient à titre de résidence principale un appartement dont ils étaient propriétaires à Saint-Germain-en-Laye. M. X a été nommé en Chine pour motif professionnel à compter du 1er juin 2013 et son épouse l’y a rejoint en septembre 2013. Ils sont alors devenus résidents fiscaux de Chine.

 

Leur appartement, mis en vente le 22 juin 2013, a été vendu le 21 février 2014 et ils ont été imposés sur la plus-value réalisée à l’occasion de cette vente au titre de l’impôt sur le revenu, de la taxe sur les plus-values immobilières prévue par l’article 1609 nonies G du code général des impôts et des prélèvements sociaux. Ils ont demandé au tribunal la décharge de ces impositions. L’administration a procédé à un dégrèvement en droit d’impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de taxe sur les plus-values immobilières.

 

Ils soutiennent que le refus de leur appliquer le régime d’exonération de la plus-value de cession de la résidence principale prévu à l’article 150 U II-1°, au seul motif qu’ils ne sont plus résidents fiscaux de France, pour leur appliquer le régime d’exonération prévu au 2° de cet article pour les non-résidents, plafonnant à 150 000 euros par contribuable le montant de cette exonération même en cas de cession d’un bien qualifié de résidence principale, est contraire au principe de libre circulation des capitaux prévu par l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

 

Comme le rappelle le Tribunal administratif, selon cet article, les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites.

 

Il juge toutefois que les dispositions de l’article 150 U II-2° ne sont pas de nature à dissuader des non-résidents d’acquérir et de détenir en France des résidences puisqu’il existe tout de même une exonération de 150 000 €.

 

Il considère en revanche que les dispositions du 1° du II de l’article 244 bis A du code général des impôts, en tant qu’elles renvoient au 2° du II de l’article 150 U de ce code, qui limite l’exonération à 150 000 euros, sans renvoyer aussi au 1° du même II qui prévoit une exonération totale en cas de cession de la résidence principale, peuvent être de nature à dissuader un résident fiscal de France qui devient résident fiscal d’un pays tiers de céder sa résidence principale et, dans cette mesure, restreindre la circulation du produit de cette vente à destination de son nouveau pays de résidence. Elles constituent donc une restriction aux mouvements de capitaux interdite par l’article 63 du TFUE.

 

Selon l’article 65 du TFUE, des dispositions fiscales restreignant les mouvements de capitaux peuvent être jugées compatibles avec le TFUE si la différence de traitement qu’elles instaurent soit concerne des contribuables qui se trouvent dans des situations objectivement différentes, soit répond à une raison impérieuse d’intérêt général et n’excède pas ce qui est nécessaire pour que l’objectif poursuivi par ces dispositions soit atteint.

 

Or, en se bornant à soutenir que les époux X n’avaient pas tiré de la France la quasi-totalité de leurs revenus d’activité perçus en 2014, leur situation ne serait pas comparable à celle d’un résident français, l’administration ne justifie pas qu’ils se trouvaient dans une situation objectivement différente de celle d’un résident français. Elle ne fait pas davantage état d’une raison impérieuse d’intérêt général.

 

En conséquence, les époux X sont fondés à demander la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils demeurent soumis à raison de la plus-value réalisée.

 

Cette décision favorable aux non-résidents doit toutefois être appliquée avec prudence pour l’instant, l’administration fiscale étant susceptible d’interjeter appel.

 

Clara DUBRULLE

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

 

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