Un remboursement anticipé ne caractérise pas une confusion de patrimoine

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

 

Source : Cass. Com. 29 septembre 2015, pourvoi n°14-14.705 F-D

 

Il est des cas où le praticien peut raisonnablement estimer qu’il est « dans son bon droit », avant même de se pencher sur l’application de la règle de droit.

 

Tel devait manifestement être le cas en l’espèce.

 

En effet, une société avant acquis un fonds de commerce. Le vendeur et les associés de l’acquéreur étaient membres d’une même famille.

 

Le paiement du prix était prévu en deux phases :

 

       Une première partie, payable à l’achat à l’aide d’un prêt bancaire souscrite par l’acquéreur ;

 

       Une seconde partie, via un crédit-vendeur remboursable à compter de l’amortissement complet du prêt (7 ans).

 

Pour autant, les parties ne vont pas appliquer strictement ces modalités de paiement, et à l’inverse, le crédit vendeur va être remboursé par anticipation, bien avant le terme de l’amortissement du prêt, et dans des proportions qui vont manifestement mettre en grande difficulté l’acquéreur, l’arrêt parlant même « d’assèchement de sa trésorerie ».

 

L’acquéreur est placé en liquidation judiciaire et le liquidateur va estimer que le remboursement anticipé, au détriment des autres créanciers (au premier rang desquels l’établissement bancaire), caractérise une relation financière anormale entre vendeur et acquéreur, fondant une action en extension de procédure collective à l’encontre du vendeur.

 

La Cour d’Appel va débouter le liquidateur, qui forme un pourvoi.

 

La Cour de Cassation confirme l’arrêt d’appel, notant que le paiement anticipé était contractuellement prévu, aux termes d’une clause adhoc figurant dans l’acte de cession.

 

De sorte que les relations financières entre les parties ne pouvaient être qualifiées d’anormales, peu important « dans quelles circonstances la société avait renoncé au terme » (du crédit vendeur).

 

L’arrêt est conforme à la jurisprudence habituelle de la Cour de Cassation, même s’il laisse un petit goût d’inachevé.

 

En effet, l’exposé des faits laisse évidemment à penser qu’il s’est agi, pour les acquéreurs, de payer prioritairement les vendeurs, quitte à mettre en grande difficulté la société.

 

Mais la Cour confirme, a contrario, ses critères habituels s’agissant de l’action en extension de procédure sur le fondement de relations financières anormales : l’application d’une clause contractuelle non déséquilibrée (la difficulté est la chronologie du paiement, absolument pas le prix lui-même), même au préjudice des autres créanciers, ne caractérise pas cette relation financière anormale.

 

Le cas échéant, en revanche, elle pourrait constituer une nullité de la période suspecte… à suppose bien sûr que le paiement soit intervenu postérieurement à la date de cessation des paiements, alors que l’exposé laisse à penser qu’à l’inverse c’est le paiement anticipé qui a provoqué la cessation des paiements…

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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