Un employeur peut-il justifier le licenciement pour faute grave d’un salarié qui travaille chez un autre employeur durant son arrêt de travail ?

Pierre FENIE

Le salarié qui accomplie un travail rémunéré au profit d’une société tierce alors qu’il était en arrêt de travail a violé les dispositions statutaires applicable à l’entreprise de sorte qu’il n’est pas nécessaire de démontrer la réalité du dommage résultant de ce manquement, et que ce manquement au regard de la récurrence des prestations a caractérisé un manquement d’une gravité telle qu’elle a empêché la poursuite du contrat de travail et donc justifié la rupture du contrat de travail.

L’arrêt de travail suspend le contrat de travail. Autrement dit, il libère le salarié de l’obligation de travailler, mais il lui interdit également toute activité soit pour son propre compte, soit pour le compte d’autrui. Il peut seulement exercer une activité entrant dans le champ de sa vie personnelle.

S’est posée la question de savoir si le salarié peut exercer une autre activité professionnelle pendant son arrêt de travail. En effet, pendant la suspension de son contrat de travail pour maladie, le salarié demeure tenu par une obligation de loyauté envers l’employeur.

Cependant, l’obligation de loyauté est appréciée de manière souple par les juges. Ainsi, l’exercice d’une activité professionnelle non concurrente pendant l’arrêt maladie ne constitue pas en lui-même un comportement déloyal qui justifierait un licenciement disciplinaire. En effet, la jurisprudence décide que pour fonder un tel licenciement, l’acte commis par le salarié doit causer un préjudice à l’employeur et doit être caractérisé par ce dernier[1]. A titre d’illustration, le simple fait de maintenir un complément de salaire pendant l’arrêt de travail ne suffit pas à caractériser le préjudice de l’employeur[2], ni le maintien intégral du salaire par l’employeur[3].

De même, un salarié qui ne respecte pas les règles fixées par la Sécurité sociale et notamment l’obligation qui lui est faite de demeurer à son domicile en dehors des heures de sortie autorisées ne justifie pas le licenciement pour faute[4].

Seule l’activité rémunérée exercée par le salarié pour le compte d’une entreprise concurrente caractérisait le manquement à l’obligation de loyauté et justifie le licenciement pour faute grave[5].

Dans l’arrêt du 25 juin 2025, un salarié soumis au statut du personnel des industries éclectiques et gazières était en arrêt de travail a réalisé des prestations de travail auprès d’un autre employeur pendant son arrêt de travail du 30 novembre 2015 au 3 février 2016.

Ayant pris connaissance de l’activité du salarié pendant son arrêt de travail, a alors convoqué à un entretien et a finalement notifié au salarié sa mise à la retraite d’office avec effet immédiat sur le fondement d’une faute grave. Le salarié a alors contesté la rupture de son contrat de travail.

Au visa de l’état de la jurisprudence rappelle précédemment, le salarié estimait que l’exercice d’une activité pour le compte d’une société non concurrente de celle de son employeur pendant un arrêt de travail ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté de sorte que la violation des dispositions statutaires n’a pas caractérisé un manquement déloyal qui aurait justifié le licenciement du salarié.

En tout état de cause, le salarié estime que si la violation d’une disposition statutaire pendant son arrêt de travail pour maladie, caractérise une faute du salarié susceptible de donner lieu à sanction disciplinaire, elle n’emporte pas la reconnaissance automatique de la violation d’une obligation de loyauté qui est la seule faute susceptible de justifier le choix, à titre de sanction, du licenciement disciplinaire.

La Cour de cassation rappelle que selon l’article 22 du statut national du personnel des industries électriques et gazières, la non-production des certificats médicaux initiaux comme de prolongation ci-dessus prévus, l’inobservation dûment constatée des prescriptions médicales, le fait de se livrer à un travail rémunéré constituent autant de violations du présent statut. Ces variations entraîneraient automatiquement pour l’intéressé des sanctions disciplinaires d’une extrême gravité et la perte automatique des avantages du présent statut en ce qu’ils sont supérieurs à la loi générale sur la sécurité sociale.

La Haute juridiction approuve la Cour d’appel d’avoir pu en déduire qu’en accomplissant un travail rémunéré au profit d’une autre société alors qu’il était en arrêt de travail, le salarié avait violé les dispositions du statut national du personnel des industries électriques et gazières, sans qu’il soit nécessaire de démontrer la réalité du dommage résultant de ce manquement pour l’entreprise, et que ce manquement, au regard de la récurrence des prestations, au nombre de huit pendant le même arrêt de travail, caractérisait un manquement d’une gravité telle qu’elle empêchait la poursuite du contrat de travail.

Sources : Cass. soc, 25 juin 2025, n° 24-16.172


[1] Cass. soc., 12 oct. 2011, n° 10-16.649

[2] Cass. soc., 26 févr. 2020, n° 18-10.017

[3] Cass. soc., 1er févr. 2023, n° 21-20.526

[4] Cass. soc., 4 juin 2002, n° 00-40.894

[5] Cass. soc., 28 janv. 2015, n° 13-18.354 ; Cass. soc., 5 juill. 2017, n° 16-15.623

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