Un administrateur judiciaire, avec mission d’assistance sans restriction, doit-il donner son aval pour que le débiteur puisse exercer une saisie-attribution ?

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass., com., 31 mai 2016, n°14-28.056, F-P+B

 

I – Les faits de l’espèce

 

Dans le cadre d’un contentieux, une société est condamnée en janvier 2012, en référé, à payer une provision de 1.500.000 € à des particuliers. Elle a procédé au versement de la somme, mais en janvier 2013, la société est placée en redressement judiciaire, et s’est vu adjoindre les services d’un administrateur judiciaire, avec mission d’assistance sans restriction.

 

La décision de condamnation en référé est cassée en mars 2013, et, dès le mois suivant, la société a procédé au recouvrement de sa créance de restitution. Pour ce faire, elle a mandaté un huissier de justice, aux fins d’exécuter diverses saisies-attributions sur les comptes bancaires des adversaires.

 

Ces saisies-attributions sont contestées, mais confirmées tout de même par la Cour d’appel d’Angers. Un pourvoi en cassation est donc lancé.

 

II – L’arrêt de cassation

 

Au visa des articles L.631-12 du Code de commerce[1] et L.111-9 du Code des procédures civiles d’exécution[2], les demandeurs au pourvoi arguent principalement du fait que les saisies-attributions pratiquées sont illégales, car la société en redressement judiciaire était accompagnée d’un administrateur judiciaire avec mission d’assistance sans restriction, ce qui induisait nécessairement son autorisation préalable avant l’exercice de toute mesure d’exécution forcée.

 

Ainsi, même si la société demeurait souveraine dans sa gestion, le contreseing de l’administrateur judiciaire était indispensable pour engager les actes d’administration que constituaient les saisies-attributions en question.

 

La Chambre commerciale de la Haute juridiction approuve ce raisonnement, et casse l’arrêt angevin.

 

II – La portée de la décision

 

La solution est justifiée, car lorsque l’administrateur se voit confier une mission d’assistance sans aucune restriction par le tribunal de la procédure collective, celle-ci l’oblige à assister le débiteur dans tous les actes de gestion, qui doivent être accomplis avec sa contre-signature[3].

 

Cette solution est-elle applicable aux mesures conservatoires ? En pratique non, même si l’administrateur judiciaire a également qualité pour inscrire au nom de l’entreprise les hypothèques, nantissements, gages ou privilèges que le chef d’entreprise aurait négligé de prendre ou de renouveler[4]. Il est en effet admis que le débiteur puisse accomplir seul ces actes conservatoires, le pouvoir de l’administrateur judiciaire étant subsidiaire pour l’inscription des sûretés.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats


[1] Ce texte précise les pouvoirs conférés par le tribunal de la procédure collective à l’administrateur dans le cadre de la période d’observation d’un redressement judiciaire : assistance ou administration, éventuellement sans restriction de la gestion de l’entreprise (c’est le cas en l’espèce)

[2] Ce texte précise que l’exercice d’une mesure d’exécution (et d’une mesure conservatoire) est considéré comme un acte d’administration

[3] Par exemple, sur le fonctionnement de comptes avec la double signature de l’administrateur judiciaire : Cass., com., 4 juin 2013, n°12-17.203, F-P+B

[4] Art. L.622-4 C.com.

 

 

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