Transmission universelle du patrimoine et contrats intuitu personnae

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

Source : CCass 11/03/2020 n°18-20064

 

Aux termes de l’article 1844-5 du code civil, il peut être opéré une dissolution sans liquidation d’une société dont les titres sont détenus par un associé unique. Il y a alors transmission universelle du patrimoine (TUP) c’est-à-dire que l’ensemble de l’actif et du passif de la société confondue revient à l’associé unique, société confondante.

 

Une exception à cette TUP concerne les contrats conclus intuitu personnae c’est-à-dire ceux conclus en considération de la personne du contractant. Ainsi le cocontractant de la société confondue peut refuser de poursuivre le contrat avec la société confondante à l’issue de la TUP dès lors que la personnalité de la société confondue était un élément essentiel lors de sa conclusion.

 

En l’espèce, suite à la TUP, le cocontractant de la société confondue a résilié le contrat de location de biens d’équipement alors en cours. La société confondante en a pris acte et a réclamé au cocontractant la quote part de loyer restant due et l’acquisition des matériels financés, ce que ce dernier a refusé.

 

La société confondante a saisi les juridictions de la difficulté qui ont déclaré irrecevable sa demande au motif que les créances dont il était réclamé le paiement n’étaient pas certaines, liquides et exigibles.

 

Au visa de l’article 1844-5 sus visé, la Cour de Cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’Appel en jugeant que « si un contrat conclu en considération de la personne d’une société prend fin au plus tard par l’effet de la dissolution de celle-ci, sauf accord du cocontractant, l’associé unique n’en recueille pas moins, par l’effet de la transmission universelle du patrimoine de la société dissoute, les créances et les dettes nées antérieurement dans ce patrimoine au titre de ce contrat, peu important qu’elles ne soient pas encore liquides et exigibles ».

 

Ainsi par l’effet de la TUP, la société confondante recueille dans son propre patrimoine les créances nées du contrat ayant pris fin du fait de l’opération. Il n’est pas nécessaire que le montant de ces créances soient déterminées (liquidité) ou les créances immédiatement exécutables sans terme ni condition (exigibilité). Elles doivent en revanche être certaines.

 

Cette solution est justifiée par la sécurité juridique que les cocontractants sont en mesure d’exiger dans le cadre d’une relation contractuelle.

 

Il faut cependant être très vigilant à l’impact d’une TUP sur les contrats en cours et effectuer de façon systématique un audit des contrats avant la mise en œuvre de l’opération. Cet audit permettra de déterminer s’il y a lieu d’informer et/ou de demander l’autorisation de cocontractants pour que les contrats puissent être transférés sans difficultés.

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