Titre exécutoire et acte notarié : la créance doit être déterminée, et pas seulement déterminable

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. civ. 2ème, 22 mars 2018, n°17-10.635, F-D

 

I – L’espèce

 

Une banque consent à une société un prêt garanti par une caution solidaire de deux époux, avec affectation hypothécaire d’un bien immobilier en garantie du remboursement du montant du prêt. L’acte contenait une clause de soumission à l’exécution forcée immédiate de l’immeuble (nous sommes dans le cadre du droit dérogatoire applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle).

 

La société défaillant, la banque fait signifier aux cautions un commandement à fin d’exécution forcée immobilière de leur résidence principale.

 

Un tribunal d’instance ordonne l’exécution forcée de l’immeuble appartenant aux cautions, qui forment un pourvoi immédiat contre cette ordonnance. La Cour d’appel de COLMAR réforme l’ordonnance, et rejette la requête de la banque.

 

II – L’arrêt de rejet

 

La Cour de cassation approuve la cour d’appel, en considérant qu’il résulte de l’article 794-5 du Code de procédure civile locale applicable en Alsace-Moselle, devenu l’article L.111-5 du Code des procédures civiles d’exécution, que les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire que s’ils ont pour objet le paiement d’une somme déterminée, et non pas seulement déterminable.

 

En l’espèce l’acte authentique en vertu duquel la vente forcée avait été sollicitée mentionnait les conditions du prêt consenti, reproduites dans un tableau d’amortissement, comme le requiert l’article L. 111-6 du Code des procédures civiles d’exécution, mais la créance invoquée à l’appui de la requête ne pouvait être considérée comme résultant de l’acte, sauf à devoir la déterminer, une fois la déchéance du terme acquise, par le solde rendu exigible, augmenté des intérêts déchus, des intérêts à courir et de l’indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n’est pas encore fixé par définition.

 

La cour d’appel en a exactement déduit, sans se contredire et sans dénaturer l’acte notarié, que la créance pour laquelle la vente forcée des biens était poursuivie n’était pas suffisamment déterminée. Le pourvoi est ainsi rejeté.

 

III – Une solution littérale et sévère pour le créancier

 

La solution est littérale, en ce qu’elle reprend au mot l’article L.111-5 du Code des procédures civiles d’exécution :

 

« Les actes établis par un notaire de ces trois départements lorsqu’ils sont dressés au sujet d’une prétention ayant pour objet le paiement d’une somme d’argent déterminée ou la prestation d’une quantité déterminée d’autres choses fongibles ou de valeurs mobilières, et que le débiteur consent dans l’acte à l’exécution forcée immédiate »

 

Mais elle est sévère pour le créancier, qui en l’espèce avait produit un décompte de créance arrêté et détaillé dans le commandement de payer signifié aux cautions, basé sur un acte notarié dont les conditions du prêt consenti, et le tableau d’amortissement, étaient reproduits. L’intérêt du dispositif s’en trouve clairement réduit.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats 

 

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