Tabagisme passif : l’absence de protestation du salarié ne permet pas à l’employeur de s’exonérer de son obligation de sécurité de résultat

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass. Soc, 03 juin 2015, Arrêt n° 995 F-D (n° 14-11.324 et 14-11.339).

 

Une salariée avait été embauchée le 04 avril 2005 en qualité de dessinatrice dans un Cabinet de conseils d’architecture employant 6 personnes.

 

A compter du 29 octobre 2009, elle a été placée plusieurs fois en arrêt maladie et le 13 mai 2011, le médecin du travail l’avait déclarée définitivement inapte à son poste, sans seconde visite, pour danger immédiat.

 

Elle fut licenciée par son employeur le 23 juin 2011 pour impossibilité de reclassement.

 

Elle saisissait ensuite le Conseil des Prud’hommes de SAINT BRIEUC pour contester son licenciement et réclamait la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes au titre de rappel de salaires, rappel d’indemnités et dommages et intérêts.

 

Déboutée de l’ensemble de ses prétentions par un Jugement du 29 mai 2012, la salariée avait interjeté appel du Jugement.

 

En cause d’appel, elle avait ajouté à ses demandes, qu’il soit constaté que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat en l’exposant à un tabagisme passif et en demandait sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts de ce chef.

 

Elle prétendait à cet égard que le maintien, malgré ses plaintes à ce sujet, de l’usage du tabac dans les locaux professionnels qui l’obligeait à aérer et travailler dans le froid, lui avait occasionné des douleurs cervicales et dorsales à l’origine de ses arrêts de travail.

 

Toutefois, la Cour d’Appel de RENNES, dans un Arrêt du 27 novembre 2013, ne va pas suivre la salariée dans son argumentation.

 

Relevant au contraire que l’inspection du travail n’avait dressé aucun procès verbal et avait simplement rappelé que le garage qui faisait également office de lieu de stockage ne disposant pas de système de VMC, l’interdiction de fumer devait également y être appliquée et relevant encore qu’il résultait du document manuscrit de la salariée, particulièrement détaillé et spontané réalisé pour son entretien d’évaluation en mars 2010, qu’elle était très satisfaite de ses conditions de travail, dépeignait une bonne ambiance d’équipe et de bonnes relations avec l’employeur et ne se plaignait en aucune façon de tabagisme passif ou de froid, alors qu’elle accompagnait ses collègues lors des pauses cigarettes dans le garage, n’y étant nullement obligée, et qu’en outre ses arrêts de travail étaient motivés par une tendinopathie calcifiante, par conséquent sans aucun lien avec un tabagisme passif.

 

Déboutée sur ce point de sa demande de dommages et intérêts, la salariée se pourvoit en Cassation.

 

Bien lui en prit, puisque la Chambre Sociale, au visa de l’article L.4121-1 du Code du Travail censure l’Arrêt d’appel sur ce point. Relevant la motivation très détaillée de la Cour d’Appel et décidant qu’en se déterminant ainsi par des motifs impropres à exonérer l’employeur de sa responsabilité en matière d’exposition de la salariée au tabagisme passif, la Cour d’Appel a privé de base légale sa décision.

 

Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’Arrêt d’appel, notamment sur ce point.

 

Il est à noter que compte tenu de l’obligation de sécurité de résultat engendrant à la charge de l’employeur une responsabilité de plein droit, celui-ci ne peut être exonéré qu’en cas de force majeure.

 

Or, jusqu’à ce jour, la Chambre Sociale n’a jamais admis la force majeure dans les pourvois soumis à sa censure.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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