L’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation, qui prévoit la cessation de l’exigibilité des loyers des locaux visés notamment par un arrêté de mise en sécurité, n’est applicable, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020, qu’en cas d’occupation d’un logement.
Cour de cassation, 3 juillet 2025, n° 23-20.553
I –
Des indivisaires, propriétaires d’un local à usage commercial, ont consenti à une société un bail commercial portant sur ce bien.
Postérieurement à un arrêté de péril grave et imminent en date du 18 février 2021, mettant à la charge des bailleurs diverses mesures de sécurisation, un nouveau bail commercial a été conclu le 15 juin 2021, prenant effet rétroactivement au 1er juillet 2020.
La locataire a assigné les bailleurs devant le juge des référés, sollicitant la condamnation provisionnelle au remboursement des loyers versés depuis l’arrêté de péril, ainsi que la suspension de son obligation de paiement des loyers jusqu’à l’exécution des travaux prescrits.
II –
La Cour d’appel a ordonné la suspension des loyers dus par la locataire, à compter du 1er mars 2021 et jusqu’au premier jour du mois qui suivra la notification ou l’affichage de l’arrêté de mainlevée.
Elle a retenue, pour ordonner la suspension du paiement des loyers, que les dispositions de l’article L. 521-2, I, du code de la construction et de l’habitation sont applicables aux baux commerciaux et qu’il n’est pas sérieusement contestable que la locataire soit fondée à solliciter l’application de ces dispositions, alors même que les locaux exploités par la locataire sont loués en vertu d’un bail commercial.
La cour d’appel a ainsi considéré que la locataire était automatiquement dispensée du paiement des loyers afférents à son local commercial à compter du premier jour du mois suivant la notification de l’arrêté, soit le 1er mars 2021.
III –
Les bailleurs reprochent à l’arrêt d’ordonner la suspension des loyers dus par la locataire à compter du 1er mars 2021, au motif que le juge des référés aurait violé les dispositions légales en retenant que l’article L. 521-2, I, du Code de la construction et de l’habitation s’applique aux baux commerciaux.
Ils soutiennent que, selon l’article L. 521-1 du même code, ces dispositions ne sont pas applicables aux locaux loués en vertu d’un bail commercial.
La cour d’appel aurait méconnu les articles 834 du Code de procédure civile ainsi que L. 521-1 et L. 521-2 du Code de la construction et de l’habitation.
IV –
Vu les articles 834 du Code de procédure civile et L. 521-2, I, alinéas 2 et 3, du Code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020, la Cour de cassation rappelle, d’une part, que dans tous les cas d’urgence, le juge des référés peut ordonner toute mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend, et, d’autre part, que la suspension du paiement des loyers prévue par l’article L. 521-2, I, n’est applicable qu’aux locaux à usage de logement visés par un arrêté de mise en sécurité.
En l’espèce, pour ordonner la suspension des loyers dus par la locataire dans le cadre d’un bail commercial, la cour d’appel a retenu que ces dispositions étaient applicables aux baux commerciaux et que la locataire était, de ce fait, automatiquement dispensée du paiement des loyers à compter du 1er mars 2021, soit le premier jour du mois suivant la notification de l’arrêté de péril.
Toutefois, en se prononçant ainsi, sans constater que les locaux loués comprenaient un logement, la cour d’appel a fait une application erronée du texte précité, lequel ne concerne que les locaux à usage d’habitation. Elle a ainsi privé sa décision de base légale.
V –
Par cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme de manière claire le champ d’application strict de l’article L. 521-2, I, du Code de la construction et de l’habitation, en précisant qu’il ne s’applique qu’aux locaux à usage d’habitation. Elle exclut ainsi expressément son application aux baux commerciaux, même en présence d’un arrêté de péril affectant l’immeuble concerné.
La Haute Juridiction encadre strictement les pouvoirs du juge des référés, en rappelant que toute mesure prononcée sur le fondement de l’urgence ne saurait méconnaître les limites matérielles du texte sur lequel elle s’appuie.