Source : Cour d’Appel de PARIS – Pôle 1, Chambre 8 – arrêt du 19 janvier 2018, Monsieur X c/ Madame Y.
Madame Y a été informée par Monsieur X que celui-ci avait mis en ligne un site Internet accessible à l’adresse www.yyy.fr, présenté en page d’accueil comme un site « vengeur et rancunier », destiné à faire « toute la vérité sur Monsieur et Madame Y » et sur lequel étaient présentées plusieurs photographies représentant cette dernière, accompagnées de commentaires calomnieux, la désignant comme complice et bénéficiaire de malversations perpétrées par son père, désigné comme escroc.
Le site divulgue encore des informations personnelles sur Monsieur et Madame Y, notamment leur adresse postale et leur e-mail, et se termine par une rubrique « contact » dans laquelle l’internaute est invité à fournir des informations sur les intéressés et dénoncer des actes d’escroquerie que ceux-ci auraient commis à leur égard.
Madame Y a donc fait assigner en référé Monsieur X, considérant que le site Internet dont le nom de domaine est composé de ses prénom et nom et dont le contenu est estimé calomnieux constitue un trouble manifestement illicite. Le Juge des référés a effectivement considéré que le trouble manifestement illicite était caractérisé et a enjoint Monsieur Y de supprimer définitivement le site Internet litigieux, le condamnant en outre à payer la somme à titre provisionnel de 8 000,00 € à valoir sur l’indemnité du préjudice de Madame Y.
Monsieur X a formé appel à l’encontre de l’Ordonnance de référé, en soutenant que le Juge des référés ne pouvait faire droit aux demandes de Madame Y, dans la mesure où le site Internet avait été supprimé dans les 8 jours de la signification de l’assignation, de sorte que le préjudice allégué avait disparu avant l’audience de première instance.
La Cour rappelle le principe selon lequel, pour apprécier la réalité du trouble ou du risque allégué, elle doit se placer au jour où le premier Juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue.
Cela étant précisé, il reste à la Cour d’apprécier les pièces versées aux débats pour identifier si le site Internet avait bien été supprimé à la date où le premier Juge a statué, la charge de la preuve reposant sur l’éditeur du site Internet, auteur des actes calomnieux reprochés et difficilement contestables.
En l’occurrence, Monsieur X produit des documents dont la valeur probatoire est particulièrement contestable, soit notamment une prétendue capture d’écran correspondant à une feuille blanche sur laquelle figure en haut à droit et en bas à droite la mention « yyy.sitevengeuretrancunier » et l’indication en bas à droite du 8 juin 2016, au centre de laquelle il est indiqué « ce site n’existe pas ! ».
La Cour considère que ces feuilles, dont le contenu peut facilement être modifié, ne permettent pas d’établir la réalité de la suppression du site et considère que la preuve ne pouvait être rapportée que par la production d’un constat d’Huissier de Justice, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;
En conséquence, la Cour considère que l’action de Madame Y était parfaitement fondée, tout comme la décision du premier Juge en ce qu’elle a constaté l’existence d’un trouble manifestement illicite.
La Cour retient encore que la somme de 8 000,00 € à titre provisionnel retenue par le premier Juge correspondait au montant de l’obligation non sérieusement contestable, au regard du caractère extrêmement attentatoire et calomnieux du site qui appelle à la vindicte et à la délation.
Cette décision confirme l’importance de rapporter une preuve indiscutable des faits allégués et la reconnaissance de la valeur d’un constat d’Huissier de Justice.
Virginie PERDRIEUX
Vivaldi-Avocats