Sécheresse et travaux indemnisés par l’assureur habitation: responsabilité du constructeur au titre des travaux de reprise insuffisants

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

C’est la portée de l’arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 14 septembre 2023

Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 septembre 2023, 21-22429

I –

Un assureur multirisque habitation a indemnisé des propriétaires à propos de désordres de fissurations affectant leur habitation dus à des mouvements de terrain consécutifs à plusieurs épisodes de sécheresse, ayant fait l’objet d’arrêtés de catastrophe naturelle.

Le confortement des fondations en micropieux de l’immeuble a été réalisé en 2004 par un constructeur.

En 2009, les propriétaires ont constaté l’apparition de nouvelles fissures malgré la réalisation de travaux en 2004.

L’assureur de l’immeuble a dénié sa garantie.

Les propriétaires ont saisi le juge des référés aux fins de désignation d’un expert judiciaire.

Suite au dépôt du rapport, les propriétaires ont assigné en réparation l’assureur de l’habitation mais également le constructeur.

De même, l’assureur responsabilité civile décennale du constructeur et le précédent assureur multirisques habitation de l’immeuble, ont été appelées en la cause.

II –

Le constructeur ayant réalisé les travaux de confortement des fondations en micropieux a été condamné par la cour d’appel sur le fondement de la garantie décennale.

Le constructeur et son assureur ont donc formé un pourvoi en cassation.

Ces derniers rappelaient que la garantie décennale d’un constructeur ne peut pas être mise en œuvre pour des désordres qui ne sont pas imputables à son intervention.

Or, à l’examen du rapport de l’expert, il était précisé que les travaux du constructeur n’avaient pas permis de remédier à l’insuffisance structurelle des semelles de fondations de l’habitation et à la faiblesse originelle de la dalle flottante.

Dès lors, si les travaux du constructeur avaient été insuffisants, ils n’étaient pas la cause des désordres, ni de leur aggravation,

La condamnation du constructeur n’était donc pas justifiée selon ce dernier et son assureur.

III –

La Cour de cassation a cependant rejeté le pourvoi formé par le constructeur et son assureur.

En effet, et tout d’abord, la cour d’appel avait relevé que le constructeur était spécialisé et reconnu dans le domaine des travaux de sols et fondations spéciales.

Ce constructeur avait été sollicité par l’expert d’assurance habitation, après une étude de sols réalisée en 2000, étude de sol qui avait attribué les désordres à des mouvements de retraits argileux sous les semelles de l’ouvrage à la suite d’épisodes de sécheresse et identifié le phénomène de retrait-gonflement des argiles comme de grande ampleur, le constructeur avait préconisé une solution profonde de reprise par micro-pieux et la réalisation de brochages en périphérie de la dalle flottante.

Certes le constructeur a procédé en 2004 aux travaux de renforcements de liaison en tête de micro-pieux.

Néanmoins, le constructeur n’a pas jugé utile d’avertir les maîtres d’ouvrages sur l’absence de consolidation du dallage, travaux qu’il  avait pourtant préconisé.

Or, l’expert judiciaire avait relevé que les désordres de fissurations relevaient d’un important tassement en partie centrale de la dalle flottante intérieure, de l’insuffisance des semelles de fondations fonctionnant comme longrines et des efforts parasites par transfert de charges des micro-pieux sur les semelles.

En outre, pour éviter les désordres, le dallage intérieur assis sur des argiles très gonflantes aurait dû être également repris par micro-pieux ou remplacé par un plancher hourdis.

Certes, les désordres trouvaient leur cause originelle dans les épisodes de sécheresses mais leur aggravation, constatée en 2012 était également imputable à la conception et à la réalisation des travaux de reprise par le constructeur, sans prise en compte suffisante de la dalle flottante alors que le constructeur en avait constaté la faiblesse dès 2002.

Selon la Cour, sa condamnation sur le fondement de la garantie décennale était donc justifiée.

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