Point de départ du délai de recours entre constructeurs : la Cour de cassation persiste et signe

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

Par un nouvel arrêt rendu le 19 octobre 2023, la Cour de cassation rappelle que le point de départ du recours entre constructeurs débute du jour où le constructeur a été assigné : ce dernier ne peut agir en garantie avant d’être lui-même assigné aux fins de paiement ou d’exécution d’une obligation de faire.

Cour de cassation, 3ème Chambre Civile, 19 octobre 2023, Pourvoi n° 22-15.947

I –

Une commune a confié la réalisation des travaux de construction d’un immeuble à une société qui a sous-traité le lot chauffage – ventilation – rafraîchissement – désenfumage.

Le sous-traitant a acheté des vannes à une société X, qui s’est approvisionnée auprès d’une société Y.

Suite aux opérations de réception des ouvrages, la Commune maitre d’ouvrage s’est plainte de la survenance de fuites sur le réseau d’eau glacée du système de climatisation.

Une déclaration de sinistre a été régularisée auprès de l’assureur dommages-ouvrage qui a formulée après expertise une offre chiffrée d’indemnisation, qui a été contestée devant le tribunal administratif par la commune.

L’assureur dommages-ouvrage a été condamnée à payer à titre de provisions une certaine somme.

L’entreprise générale a été condamnée à payer à l’assureur dommages-ouvrage le montant de la provision diminuée des intérêts majorés.


II –

Au regard de cette situation, l’entreprise générale a assigné son sous-traitant et son assureur qui de leur côté ont appelé en garantie les sociétés X et Y, respectivement vendeurs et producteurs des vannes.

La Cour d’appel saisie a déclaré irrecevables les demandes formulées par l’entreprise générale du fait de la prescription de ses demandes.

Un pourvoi en cassation a été formé, l’entreprise générale rappelant que le délai de prescription quinquennale de l’action récursoire d’un entrepreneur principal tendant à obtenir de son sous-traitant et de son assureur la garantie des condamnations prononcées ou susceptibles d’être prononcées à son encontre au profit du maître de l’ouvrage ou de toute autre personne, ne commence à courir qu’au jour de la mise en cause de la responsabilité de l’entrepreneur principal par ces derniers.

III –

La Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel saisie.

La Haute juridiction rappelle les dispositions des articles 2219, 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce relatifs à la définition de la prescription et le rappel du délai de prescription de 5 ans applicable aux obligations entre commerçants à l’occasion de leur commerce, dont le point de départ débute du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Également, la Cour de cassation n’hésite pas à rappeler les termes de l’arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 14 décembre 2022 n° 21-21.305 qui a jugé « que le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d’être lui-même assigné aux fins de paiement ou d’exécution de l’obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l’application de la prescription extinctive, avant l’introduction de ces demandes principales puis en a déduit que, l’assignation, si elle n’est pas accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l’action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures. »

Afin de calculer le délai de prescription et déclarer les demandes de l’entreprise générale irrecevables, la Cour d’appel saisi avait pris pour point de départ le 19 janvier 2020, date de l’établissement d’un compte de rendu de réunion, date à laquelle, selon la Cour d’appel, l’entreprise générale disposait d’informations suffisantes pour agir en responsabilité contre son sous-traitant.


Or, selon la Cour de cassation, il convenait de prendre en compte la date à laquelle l’assureur dommage-ouvrages avait exercé une action en condamnation à l’encontre de l’entreprise générale pour point de départ du délai de prescription. L’action en indemnisation de l’entreprise générale était donc recevable car non prescrite

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