Quand seul l’usufruitier peut agir sur le fondement de la garantie décennale

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

Par arrêt en date du 13 avril 2023, la Cour de cassation a jugé que l’usufruiter pouvait seul agir sur le fondement de la garantie décennale, jusqu’à l’extinction de l’usufruit, à propos d’une construction nouvelle, non attenante à l’existant, objet du démembrement et réalisée sous sa maîtrise d’ouvrage.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 13 avril 2023, 22-10.487, Publié au bulletin

I –

Un usufruitier a confié à une société la maîtrise d’œuvre des opérations de construction d’une piscine couverte sur un terrain appartenant à une SCI nue-propriétaire.

Le maître d’ouvrage usufruiter a confié à une seconde société la réalisation des travaux de charpente, menuiseries intérieures et extérieures dont le parquet.

II –

Les opérations de réception sont intervenues le 5 mars 2008, sans pour autant qu’il soit précisé si la réception est intervenue ou non avec réserve.

Du fait de la survenance de désordres affectant l’ouvrage, la SCI nue-propriétaire a assigné après expertise le maitre d’œuvre et la société ayant réalisé les travaux ainsi que leurs assureurs aux fins d’indemnisation.

L’usufruitier est intervenu volontairement à la procédure.

III –

La Cour d’appel saisi a jugé que la SCI nue-propriétaire était irrecevable en son action formée sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du Code Civil, faute de qualité à agir.

En effet, la Cour d’appel avait relevé que la construction réalisée sous la maîtrise d’ouvrage de l’usufruitier portait sur un immeuble indépendant et ne pouvait être qualifié d’extension à l’habitation principale dont la SCI était propriétaire.

De même, la Cour d’appel a considéré que la SCI nu-propriétaire du bien immobilier sur lequel avait été édifié l’ouvrage, n’en avait pas encore recouvré la pleine propriété et n’avait pas, elle-même, directement contracté avec les entreprises qui l’avaient réalisé, ne lui permettant pas de s’arroger la qualité de maître de l’ouvrage.

IV –

La SCI est l’usufruiter ont interjeté appel de la décision.

Ces derniers soutenaient qu’en application des dispositions de l’article 552 du Code Civil, la Cour d’appel avait ignoré le mécanisme du droit d’accession immobilière puisque la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.

De même, la SCI et l’usufruitier considéraient que c’est bien le nu-propriétaire qui disposait de la qualité de maître d’ouvrage et ce même si c’est l’usufruiter qui en a ordonné la construction.

V –

La Cour de cassation saisie a rejeté le pourvoi formé par la SCI et l’usufruitier.

En effet, la Haute Juridiction rappelle que  le droit d’accession du nu-propriétaire du fonds sur lequel l’usufruitier édifie une construction nouvelle est régi, en l’absence de convention réglant le sort de cette construction, par l’article 555 du même code et n’opère, ainsi, qu’à la fin de l’usufruit (3e Civ., 19 septembre 2012, pourvoi n° 11-15.460, Bull. 2012, III, n° 128).

Au cas d’espèce, la Cour d’appel avait relevé que la construction de la piscine couverte était une construction nouvelle et que l’ouvrage avait été commandé et réglé par l’usufruitier.

En outre, il n’a été prétendu par aucune des parties qu’une convention réglait le sort de cette construction.

La Cour de cassation considère donc que la SCI n’est pas devenue propriétaire de cet ouvrage puisque l’usufruit n’avait pas pris fin.

L’action en garantie décennale, attachée à la propriété de l’ouvrage, ne pouvait donc être exercée que par l’usufruitier qui est donc considéré par la Cour de cassation comme le propriétaire de l’ouvrage réalisé, ouvrage non attenant au bâtiment existant ayant fait l’objet d’un démembrement.

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