SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 8 juillet 2020 n°18-13.593 FS-P+B
Par contrat à durée indéterminée en date du 1er juillet 2008, un salarié a été embauché à temps complet par une société de maintenance d’extincteurs en qualité de magasinier-poseur.
Les missions du salarié ont ensuite évolué au sein de l’entreprise, celui-ci exerçant au jour de la rupture de son contrat de travail, les fonctions de vérificateur-vendeur.
La société va notifier au salarié 2 avertissements consécutifs, l’un le 24 avril 2014 et l’autre le 30 juillet 2014 auxquels le salarié va répondre reprochant à son employeur de lui demander de changer des pièces détachées non défectueuses afin d’atteindre un ratio fixé par l’employeur. De même il va également lui écrire en indiquant qu’il ne mettrait plus de pièces neuves pour remplacer des pièces non défectueuses ou non inscrites dans les procédures de maintenance, indiquant qu’il considérait cela comme du vol et de l’abus de confiance envers les clients, le salarié évoquant ensuite des surfacturations et la facturation de pièces non changées.
En septembre 2014, le salarié va par ailleurs déposer une plainte entre les mains de la gendarmerie nationale contre le responsable d’agence pour dénoncer certaines de ces pratiques.
Suite à ces évènements, le salarié va se voir notifier le 10 octobre 2014 son licenciement pour faute grave.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié va saisir la juridiction prud’hommale afin de voir requalifier son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse et de voir condamner son employeur au paiement de diverses sommes indemnitaires.
Si sa demande va être reçue par les premiers juges, toutefois la Cour d’Appel de Besançon dans un arrêt du 12 janvier 2018, va considérer que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement n’étaient pas constitutifs d’une faute grave mais d’une faute simple. Selon la cour d’appel le licenciement ressort d’une cause réelle et sérieuse, dans la mesure où le salarié avait outrepassé sa liberté d’expression par le caractère outrancier des termes contenus dans les lettres de réponse aux avertissements. Elle considère en outre qu’en déposant plainte auprès de la gendarmerie, il avait provoqué la déstabilisation de son entreprise.
En suite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en cassation.
A l’appui de son pourvoi, il reproche à l’arrêt d’appel d’avoir considéré que les allégations contenues dans ses lettres de réponse aux avertissements des 10 mai et 14 août 2014 évoquant des pratiques d’escroqueries et d’abus de confiance envers les clients ne sont pas établies et qu’elles constituent par son caractère outrancier un excès à la liberté d’expression du salarié.
Il reproche également à l’arrêt d’appel d’avoir considéré son licenciement comme basé sur une cause réelle et sérieuse alors que les faits pour lesquels l’intéressé avait déposé plainte auprès de la gendarmerie n’ont pas donné lieu à des poursuites pénales de sorte que le salarié ne pouvait sérieusement plaider la bonne foi dès lors qu’il ne pouvait ignorer que cette plainte allait nécessairement déstabiliser son agence,
Bien lui en prit, puisque la Chambre Sociale de la Haute Cour, retient :
– d’une part que les lettres litigieuses adressées au Directeur de Région en réponse aux 2 avertissements étaient rédigés en des termes qui n’étaient ni injurieux, diffamatoires ou excessifs de sorte qu’elles ne caractérisaient pas un abus de la liberté d’expression du salarié,
– et d’autre part qu’un salarié ne peut être licencié pour avoir relaté ou témoigné de bonne foi des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.
Casse et annule l’arrêt d’appel au visa des dispositions des articles
L 1121-1 du Code du Travail et L 1132-3-3 du Code du Travail.