SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 17 avril 2019, n° 18-15.321 (FS-P+B).
Un salarié né au CAMEROUN a été engagé à compter du 29 mars 2010 en qualité d’employé polyvalent de restauration à temps partiel dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée, la convention collective applicable étant celle du personnel des entreprises de restauration de collectivités.
Le salarié a été affecté sur le site de la CRAM de BORDEAUX et percevait une rémunération mensuelle de 767,80 € pour une durée mensuelle de travail de 86 H 66 en moyenne.
Un contrat de travail à durée indéterminée a été régularisé entre les parties le 17 décembre 2010 et à compter du 1er septembre 2011, la durée du travail du salarié a été porté à temps complet.
L’employeur a perdu le marché de la CRAM qui a été repris par une autre société à compter du 1er janvier 2012.
Se plaignant de ce que la société reprenant le marché ne lui avait jamais permis d’occuper son poste de travail, le salarié a saisi le Conseil des Prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, demande formulée à l’encontre de la société reprenant le marché.
Les Premiers Juges ayant considéré que le salarié s’était fait embaucher sous une fausse identité et qu’il n’était pas en possession d’un titre de séjour en cours de validité, ni d’une autorisation de travail en France à la date du transfert, ont considéré que le contrat de travail était nul de nullité absolue et que cette nullité justifiait le refus de transfert opposé par la société entrante.
En cause d’appel, la Cour d’Appel de BORDEAUX, dans un Arrêt du 16 novembre 2017, soulignant que :
– La demande d’autorisation de travail formulée par la société sortante auprès de la DIRECTE D’AQUITAINE avait été rejetée par décision du 13 décembre 2010,
– Le recours gracieux de la société sortante auprès du Préfet de la GIRONDE avait été rejeté le 14 avril 2011,
– Le 03 février 2011, le Préfet de la GIRONDE avait rejeté la demande de délivrance d’un titre de séjour effectuée par le salarié et lui avait notifié son obligation de quitter le territoire français,
– Ce n’est que le 25 juillet 2013 que le salarié avait été régularisé et qu’il a alors bénéficié d’un titre de séjour en France lui permettant de travailler.
La Cour en conclut donc que le salarié n’était pas muni d’une autorisation de travailler et que malgré la connaissance qu’en avait la société sortante, elle l’a conservé à son service en violation des dispositions d’ordre public de l’article L.8251-1 du Code du Travail, de sorte qu’elle ne pouvait ignorer que le salarié ne bénéficiait pas d’une autorisation de travail en France et qu’il était alors en séjour irrégulier.
Par suite, la Cour d’Appel considère que le contrat de travail a été poursuivi en violation des règles d’ordre public de l’article 8251-1 du Code du Travail.
La Cour d’Appel souligne également qu’il ressort des dispositions de l’article L.8252-1 du Code du Travail qui dispose que le salarié étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L.8251-1 est assimilé, à compter de la date de son embauche, à un salarié régulièrement engagé au regard des obligations de l’employeur pour :
– L’application des dispositions relatives aux périodes d’interdiction d’emploi prénatal et postnatal et à l’allaitement,
– L’application des dispositions relatives à durée du travail au repos et aux congés,
– L’application des dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail,
– La prise en compte de l’ancienneté.
Elle considère que ce texte limitatif ne prévoit pas que le salarié étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L.8252-1 est assimilé à un salarié régulièrement embauché au regard des obligations de l’employeur définies en matière de transfert de contrat de travail.
Ainsi, la Cour d’Appel considère que le contrat de travail du salarié n’a pas été transféré auprès de la société entrante et que ce dernier doit être débouté de l’ensemble de ses demandes.
Ensuite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en Cassation.
A l’appui de son pourvoi, le salarié invoque les dispositions de l’article 3 de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 qui garantit le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise et qui donne une définition du travailleur, lequel est défini comme toute personne qui est protégée en tant que travailleur dans le cadre de la législation nationale sur l’emploi, prétendant que les dispositions de l’article L.8251-1 du Code du Travail ne font pas obstacle à la protection du travailleur dont le contrat, même irrégulier, a été transféré.
Toujours à l’appui de son pourvoi, le salarié invoque également les dispositions de l’avenant n°3 du 26 février 1986 relatives au changement de prestataires de services de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités qui prévoit que l’entreprise entrante est tenue de poursuivre les contrats de travail des salariés de niveau 1, 2, 3, 4 et 5 employés par le prédécesseur pour l’exécution exclusive du marché concerné et que cette obligation incombant au nouveau prestataire n’est subordonnée à aucune autre condition, restriction ou exclusion.
Mais la Chambre Sociale de la Haute Cour ne va pas suivre le salarié dans son argumentation.
Soulignant qu’il résulte tout d’abord des dispositions combinées des articles L.8251-1 et L.8252-1 du Code du Travail qu’un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France n’est pas assimilé à un salarié régulièrement engagé au regard des règles régissant le contrat de travail, et soulignant ensuite que les dispositions de l’article L.8251-1 du même Code font obstacle à ce que le nouveau titulaire d’un marché soit tenu, en vertu de dispositions conventionnelles applicables en cas de changement de prestataire de services, à la poursuite du contrat de travail d’un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.
La Haute Cour conclut qu’ayant constaté que le salarié ne détenait pas un titre de séjour l’autorisant à travailler à la date de changement de prestataire de services, la Cour d’Appel a exactement décidé que l’entreprise entrante n’était pas tenue de poursuivre le contrat de travail de l’intéressé.
Par suite, elle rejette le pourvoi.