Source : Cass. com., 17 avril 2019, n° 18-11.895, F-P+B
I – L’espèce
Le 16 juin 2008, une société a consenti à des époux un prêt de restructuration d’un montant de 66.000,00 €, remboursable en 144 mensualités de 781,37 euros chacune. Les emprunteurs se révélant défaillants, la société les a assignés en exécution de leur engagement. Les emprunteurs ont opposé à leur créancier un manquement à son devoir de mise en garde, sur le risque notamment de surendettement.
La Cour d’appel de Grenoble a condamné la société à payer aux emprunteurs 45.000,00 € à titre de dommages-intérêts. Les juges du fond ont considéré que la seule diminution, même conséquente, du montant des mensualité du crédit de restructuration était insuffisante à démontrer l’absence de risque d’endettement.
II – Le pourvoi
La société prêteuse a alors formé un pourvoi en cassation. Elle faisait valoir que le crédit de restructuration consenti permettait aux emprunteurs de bénéficier d’un allégement de charges de 1.399,56 € par mois.
L’arrêt est censuré par la Cour régulatrice, au visa de l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (devenu l’article 1231-1) : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’un crédit de restructuration, qui permet la reprise du passif et son rééchelonnement à des conditions moins onéreuses, sans aggraver la situation économique de l’emprunteur, ne crée pas de risque d’endettement nouveau, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Un regroupement de crédits permet effectivement d’améliorer la situation de l’emprunteur par rapport à ce qu’elle était avant le prêt de restructuration, situation qui doit échapper par nature à toute action fondée sur le devoir de mise en garde, même pour les emprunteurs non avertis. La solution doit être approuvée.
En outre, s’agissant des ratios, le prêt litigieux n’était pas excessif puisque les emprunteurs étaient tenus, après la conclusion dudit prêt, du remboursement d’une mensualité unique de 781,33 € pour un revenu global de 2.378,10 €, ce qui n’excédait donc pas le tiers de ce revenu.
III – Une tendance jurisprudentielle en confirmation
Cette décision s’insère dans une jurisprudence contemporaine hostile au devoir de mise en garde du banquier prêteur que cela soit en présence de prêts en devise[1] d’emprunts toxiques[2], d’opérations de défiscalisation ayant échoué[3] ou encore de prêt in fine[4].
[1] Cass. civ. 1, 3 mai 2018, n° 17-13.593, FS-P+B ; Cass. civ. 1, 13 mars 2019, n° 17-23.169, F-P+B
[2] Cass. com., 28 mars 2018, n° 16-26.210, FS-P+B+I ; Cass. com., 6 mars 2019, n° 16-25.117, FS+B+I
[3] Cass. com., 10 janvier 2018, n° 16-23.845, F-D ; Cass. com., 4 juillet 2018, n° 17-13.128, F-P+B
[4] Cass. com., 13 février 2019, n° 17-14.785, FS-P+B