SOURCE : 1ère civ, 9 juin 2017, n°16-12457, FS-P+B+I
En matière de fourniture d’électricité et de gaz, l’article L. 122-1 du code de l’énergie permet au consommateur, en cas de litige avec son fournisseur d’énergie, de saisir le médiateur national de l’énergie de la difficulté (al 1er).
Le Médiateur National de l’Energie (MNE) formule sa recommandation dans un délai de 90 jours (avant le décret du 27 juin 2017, ce délai était de deux mois) à compter de sa saisine[1] (al 2), qui « suspend la prescription des actions en matière civile et pénale pendant ce délai » (al 3).
A la suite d’un disfonctionnement de son compteur de gaz, constaté par GRDF à la demande d’ENGIE en mars 2011, un consommateur a saisi en décembre 2011 le MNE d’une contestation de la facture du fournisseur, émise en juin 2011.
Le MNE ne formulera ses recommandations, favorables au consommateur, que le 20 juillet 2012, soit au-delà du délai réglementaire. ENGIE refusant ces recommandations, le consommateur a saisi les juridictions de la difficulté.
ENGIE a sollicité reconventionnellement en octobre 2013 la condamnation du consommateur au paiement de la facture.
La Cour d’appel de Paris a considéré que la demande reconventionnelle d’ENGIE était prescrite, le délai de prescription biennal de l’article L137-2, devenu L218-2 du Code de la consommation, qui a commencé à courir à compter de mars 2011 et a été interrompu pendant deux mois au titre de la saisine du MNE, étant dépassé.
Relevant d’office une violation de l’article 6 §1 de la CESDH, la Première Chambre civile de la Cour de cassation casse l’arrêt querellé. Pour la Haute juridiction, une lecture stricte de l’article L. 122-1 du Code de l’énergie conduit à une limitation de la suspension du délai de prescription, qui « est de nature à priver les parties de leur droit d’accès au juge en les empêchant d’entamer une procédure judiciaire ou arbitrale concernant le litige qui les oppose, du fait de l’expiration des délais de prescription pendant le processus de médiation, qui est susceptible d’excéder le délai imparti au MNE pour formuler une recommandation »
En conséquence, pour la Cour de cassation, la prescription biennale ne recommence à courir, au sens de l’article L122-1 du Code de l’énergie, qu’à compter du dépôt de la recommandation du MNE, quelle que soit la date à laquelle la recommandation est formulée.
Pour le surplus, la Cour de cassation rappelle aux juges du fond que la prescription ne court qu’à compter de la date à laquelle le titulaire d’une action est en mesure de l’exercer. Par conséquent, la prescription ne courrait pas à compter du remplacement du compteur défectueux, mais de l’établissement de la facture à l’origine du contentieux.
Il en résulte que l’action d’ENGIE n’était pas prescrite.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] Article R122-1 5° du Code de l’énergie issu du décret du 27 juin 2017 (contre deux mois auparavant)