Source : Cass.Civ.2ème, 28 juin 2018, F-P+B, n°17-13967
I – L’espèce.
Une Banque diligente, par la voie de son Huissier, une saisie attribution en octobre 2002 lui permettant d’appréhender la somme de 1.449.160 €.
A la suite d’une contestation soulevée par le débiteur saisi, aucun paiement n’interviendra.
Selon l’adage repris en titre, l’affaire aurait pu s’arrêter là, et pourtant…
Neuf années plus tard, la Banque fait diligenter, toujours pas la voie de son Huissier habituel, une nouvelle saisie attribution en recouvrement des mêmes sommes, auxquelles sont ajoutées les intérêts échus depuis la première saisie.
L’acte signifié le 13 mai 2011 reprendra un montant de 2.215.652 €.
Une nouvelle contestation suivra
II – La procédure.
II – 1. La saisie en date d’octobre 2002.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation considérera par arrêt en date du 19 février 2015[1] « qu’ayant exactement retenu que la contestation de la saisie-attribution par le saisi faisait obstacle à toute action en paiement à l’encontre du tiers saisi de sorte qu’aucun manquement ne pouvait être reproché au créancier, la cour d’appel a par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision »
Autrement dit, la contestation de la saisie-attribution par le saisi fait obstacle à toute action en paiement à l’encontre du tiers saisi. L’acte de saisie emporte à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers.
Par cet arrêt, la Cour conditionne l’application de l’article R 211-8 du Code des procédures civiles d’exécution :
« Le créancier saisissant qui n’a pas été payé par le tiers saisi conserve ses droits contre le débiteur.
Toutefois, si ce défaut de paiement est imputable à la négligence du créancier, celui-ci perd ses droits à concurrence des sommes dues par le tiers saisi. »
La contestation ayant pour objectif d’empêcher le paiement, le débiteur n’est pas fondé à invoquer la négligence de la Banque.
II – 2. La saisie en date du 13 mai 2011.
Suite à la contestation, la Cour d’appel estimera que la seconde saisie demeure à raison du fait que la première saisie n’a pu aboutir du fait de la contestation, le paiement n’ayant pu être obtenu.
Un pourvoi est alors formé et la Cour de cassation censurera l’arrêt d’appel au motif que « peu important la décision de retrait du rôle en date du 24 septembre 2003, tant qu’il n’avait pas été statué sur la contestation de la première saisie, l’effet attributif qui lui était attaché perdurait à concurrence des sommes pour lesquelles elle avait été pratiquée ».
La cour fait application du principe aujourd’hui discuté, saisie sur saisie ne vaut. L’effet attributif de la première saisie fait obstacle à toutes nouvelles saisies sur les mêmes sommes.
La Cour d’appel de Lyon, saisit sur renvoi, estimera la seconde saisie valable, mais uniquement pour le différentiel entre la première et la seconde saisie ce qui correspond aux intérêts moratoires ayant couru entre les deux actes.
Un nouveau pourvoi est alors formé.
Les juges du quai de l’Horloge seront clairs. La décision rendue sera prise à l’appui de l’article L211-2 du Code des procédures civiles d’exécution et précisera que « l’effet attributif immédiat au profit du créancier saisissant de la créance disponible entre les mains du tiers ne joue qu’à concurrence des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée en principal, frais et intérêts échus majorés, le cas échéant, en application de l’article R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, de la provision pour les seuls intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation, de sorte qu’une nouvelle saisie-attribution peut être mise en oeuvre pour les intérêts moratoires qui n’étaient pas échus à la date de la première saisie ; qu’ayant exactement retenu que l’effet attributif de la première saisie était ainsi limité, c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit que la banque avait valablement procédé à une seconde saisie-attribution pour la partie de la créance non incluse dans la première saisie »
III – A retenir
Alors saisie sur saisie ne vaut ?
La Cour de cassation reprend le texte et en fait une application stricte. L’acte de saisie contient « le principal, les frais et intérêts échus majorés, et le cas échéant, la provision pour les seuls intérêts à échoir dans le délai d’un mois pour élever la contestation »
Si la seconde saisie a eu lieu entre les mains du même tiers, force est de constater que selon la Cour, elle a porté sur une créance différente de celle de la première saisie de sorte que la Cour ne retient pas le concours de saisie.
Surtout, l’attribution immédiate a pour effet de faire sortir la créance du patrimoine du débiteur au profit du créancier. La seconde saisie pratiquée ne peut donc porter sur les mêmes sommes, mais uniquement sur les intérêts courus depuis.
Enfin, on notera que le concours de saisie attribution demeure rare compte tenu de l’effet attributif immédiat.
Plus simplement,
Saisie sur saisie ne vaut sur la même créance,
Il sera possible de procéder à de multiple saisie attribution sur une même créance à condition de saisir les intérêts courus depuis la première saisie.
La créance retenue sera celle indiquée dans l’acte de dénonciation signifié au débiteur.
Jacques-Eric MARTINOT
Vivaldi Avocats
[1] Civ. 2e, 19 févr. 2015, n° 14-10.439