Saisie immobilière: l’irrecevabilité des contestations postérieures à l’audience d’orientation s’impose aussi au liquidateur judiciaire

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 13 septembre 2017, n°15-28.833, FS-P+B

 

I – Les faits

 

Une SCI a effectué une reconnaissance de dette notariée, au profit de deux particuliers. Ils lui ont par la suite fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière. Celle-ci régulièrement assignée à l’audience d’orientation, le juge de l’exécution a, par un jugement d’orientation devenu irrévocable, fixé la créance à l’encontre de la SCI à une certaine somme, et autorisé la vente amiable des biens saisis.

 

La SCI est par la suite placée en liquidation judiciaire. Les créanciers ont déclaré leur créance, qui sera contestée par le liquidateur. Les juges du fond ont déclaré les demandes du liquidateur irrecevables, pour constater que l’existence et le montant de la créance sur la SCI ont été définitivement tranchés par le jugement d’orientation, qui a autorité de la chose jugée sur ces questions. Le liquidateur et le gérant de la SCI ont formé un pourvoi en cassation.

 

II – L’arrêt de rejet

 

Les demandeurs au pourvoi déniaient toute autorité de chosé jugée attachée au jugement d’orientation, au motif qu’il ne tranchait, dans son dispositif, aucune contestation sur le principe ou le montant de la créance. La Cour suprême a répondu par un attendu limpide :

 

« Mais attendu qu’en procédure de saisie immobilière, le juge de l’exécution est tenu de fixer, dans le jugement d’orientation, le montant de la créance du poursuivant, qui a préalablement détaillé les sommes réclamées dans le commandement délivré au débiteur, puis dans le cahier des conditions de vente que le débiteur est sommé de consulter par l’assignation qui lui est faite de comparaître à l’audience d’orientation ; qu’à cette audience, le juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, statue sur les éventuelles contestations ; que les décisions du juge de l’exécution ont, sauf disposition contraire, autorité de la chose jugée au principal et que le défendeur doit présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à justifier son rejet total ou partiel ; qu’il résulte de ces éléments que le débiteur régulièrement appelé à l’audience d’orientation n’est plus recevable à contester ultérieurement, par de nouveaux moyens, le montant retenu pour la créance du poursuivant, tel qu’il a été mentionné dans le dispositif du jugement d’orientation »

 

Autrement dit, ce n’est pas à la Cour de cassation de pallier les carences du débiteur, qui n’a pas saisi l’opportunité procédurale de contester le principe ou le montant de sa dette, devant le juge de l’exécution. C’est un principe de bon sens, de célérité de la Justice. 

 

Le Liquidateur prétendait également que l’autorité de chose jugée du jugement d’orientation ne lui était pas opposable, au motif qu’elle ne s’attache qu’à ce qui fait l’objet du jugement, notamment la demande entre les mêmes parties, formées par elles et contre elles en la même qualité. En conséquence, le liquidateur judiciaire d’un débiteur, représentant les créanciers de ce dernier, n’ayant pas la même identité que celui-ci, de sorte qu’en l’absence d’identité de parties, l’autorité de chose jugée d’une décision rendue entre un créancier et un débiteur par le juge de l’exécution en matière de saisie immobilière ne pouvait valablement lui être opposée, dans le cadre de la vérification du passif.

 

La Cour régulatrice a écarté également cette argumentation :

 

« La procédure de vérification et d’admission des créances ne tend qu’à vérifier l’existence, le montant et la nature des créances détenues sur le débiteur, de sorte que lorsqu’une créance a été constatée par une décision ayant autorité de la chose jugée, cette décision est opposable au liquidateur judiciaire qui ne peut que vérifier que la créance déclarée est conforme au titre qui l’a constatée mais ne peut en contester ni le principe ni le montant. »

 

III – Une décision approuvée

 

La solution, dans son premier attendu, n’est pas nouvelle, puisque la Deuxième chambre civile s’est déjà prononcée en ce sens en 2010[1]. Elle a même été jugée conforme aux dispositions de l’article 6, &1, de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme[2].

 

L’article R.311-5 du Code de procédure civile d’exécution est clair :

 

« À peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf disposition contraire, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R.322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte. »

 

L’audience d’orientation passée, il est donc trop tard, et le jugement a autorité de chose jugée au principal, ce qui inclut le principe et le montant de la créance. L’arrêt ci-commenté précise en outre que cela s’impose aussi à la procédure collective du débiteur saisi.

 

La solution est justifiée, sur le plan juridique comme sur le plan pratique. La lecture des moyens de cassation annexés à l’arrêt montre, en filigrane, une tentative perdue du liquidateur judiciaire de rattraper les négligences du débiteur saisi. La procédure collective ne peut rien contre cela, ce qui est bienvenu pour une meilleure célérité de la procédure de saisie immobilière.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats   


[1] Cass. civ. 2ème, 11 mars 2010, n°09-13.312, publié au bulletin

[2] Cass. civ. 2ème, 17 nov. 2011, n°10-26.784, publié au bulletin

 

 

 

 

 

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