Saisie-attribution sur les bénéfices d’une SCI : elle n’est possible qu’après une décision de distribution… même pour l’Administration fiscale

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 13 sept. 2017, n°16-13.674, F-S-P+B+I

 

I – Les faits

 

L’arrêt de principe est assez succinct dans la description des faits, mais il semble acquis que l’Administration fiscale disposait d’une créance sur un associé d’une SCI, directement rattachable aux revenus fonciers déclarés au titre de la détention de cette SCI.

 

L’impôt n’étant pas réglé, l’Administration, vraisemblablement influencée par la compréhension des rapports associés/SCI posés par le Code général des impôts, va saisir les bénéfices constatés dans les livres de la société, et comptabilisés sous la ligne « report à nouveau ». Pour mémoire, le compte « report à nouveau » comptabilise l’ensemble des bénéfices non distribués par l’assemblée. Toujours pour mémoire, si l’assemblée générale des associés avait voté une distribution des résultats, les dividendes affectables par associé se seraient trouvés dans le compte de résultat sous la ligne « autres dettes », et dans les annexes sous la rubrique « compte courant d’associé X ».

 

La SCI va contester cette saisie, au motif essentiel que les sommes appréhendées n’appartiennent pas aux associés, mais demeurent sa propriété. Elle obtiendra sans difficultés la mainlevée devant le juge de l’exécution, mais la décision sera réformée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. C’est en définitive la Cour de cassation qui remettra le droit dans ses principes fondamentaux.

 

II – La décision

 

Rendu avec les plus hautes références de publication, l’arrêt fixe un principe qui peut être cité in extenso :

 

« Qu’en statuant ainsi, alors que les dividendes n’ont pas d’existence juridique avant la constatation de sommes distribuables par l’organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé, de sorte qu’en l’absence d’une telle décision, la SCI n’était pas débitrice de M. Y… et ne pouvait être condamnée aux causes de la saisie pour avoir méconnu son obligation de renseignement, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

 

Le plus surprenant dans cette affaire est qu’il faille attendre que la Cour de cassation rappelle le droit, en ce compris à l’Administration fiscale qui a tenté d’introduire les principes posés par le Code général des impôts dans le droit des sociétés… sans succès fort heureusement.

 

En effet, en droit fiscal, c’est-à-dire selon le Code général des impôts, une société civile, et donc nécessairement une société civile à prépondérance immobilière (qui n’a pas opté pour l’IS), est une personne juridiquement translucide. Ainsi, pour l’Administration fiscale, la personne morale n’existe pas et l’immeuble est censé être détenu directement par chacun des associés, dans son patrimoine personnel, à proportion de sa participation dans le capital social. Fort logiquement et en application de l’article 8 du CGI, les associés ou membres de sociétés de personnes et assimilées sont soumis à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société.

 

De fait, l’Administration a estimé que le principe de translucidité, qui permettait de taxer des bénéfices même non distribués, au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques ou de l’impôt sur les sociétés si l’associé est une personne morale, s’appliquait de la même manière pour la saisie des bénéfices qui, en quelque sorte, appartenaient de droit aux associés, dès leur constatation et même en l’absence de décision d’assemblé votant la distribution.

 

La sanction de la Cour de cassation était prévisible. Si le droit fiscal est un droit autonome par rapports aux autres droits, il n’a pas non plus vocation à s’imposer sur les autres droits. Or, en l’espèce, en pratiquant directement la saisie, l’Administration fiscale a considéré que la droit fiscal était applicable là où la norme devait être examinée au regard du droit des sociétés.

 

Or, pour le Code civil, un bénéfice ne se transforme en dividendes qu’après une assemblée générale prononçant la distribution des résultats.

 

Eric DELFLY   Thomas LAILLER
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