Saisie immobilière : le renouvellement du bail commercial n’est pas un nouveau bail

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 7 septembre 2017, n°16-17.174, FS – P+B+I

 

La saisie immobilière rend indisponibles les immeubles désignés dans le commandement de payer valant saisie et restreint les droits de jouissance et d’administration du débiteur sur l’immeuble, afin notamment d’empêcher le débiteur saisi de conclure des baux sur l’immeuble, lesquels pourraient avoir pour effet de dissuader des acquéreurs éventuels ou ne diminue le prix qu’ils seraient prêts à consentir.

 

C’est la raison pour laquelle l’article 684 de l’ancien Code de procédure civil, abrogé par ordonnance du 21 avril 2006, disposait que « les baux qui n’ont pas acquis date certaine avant le commandement peuvent être annulés et ceux postérieurs au commandement doivent l’être si, dans l’un ou l’autre cas, les créanciers ou l’adjudicataire le demandent », étant toutefois précisé que, selon la Cour de cassation, tout bail, même conclu postérieurement à la publication d’un commandement de saisie immobilière portant sur l’immeuble loué, est opposable à l’adjudicataire qui en a eu connaissance avant l’adjudication[1].

 

Sur le fondement de ce texte, l’adjudicataire d’un bien immobilier demandait la nullité de la demande de renouvellement d’un bail signifiée par le preneur au saisi postérieurement au commandement valant saisie vente. Il sollicitait accessoirement la fixation du loyer de renouvellement à la valeur locative.

 

I – La nullité de la demande de renouvellement adressée au saisi

 

Pour l’adjudicataire, le bail de renouvellement étant selon une jurisprudence constante, un nouveau bail, le débiteur ne pouvait recevoir la demande de renouvellement, et corrélativement, l’acte ne pouvait produire aucun effet.

 

Par conséquent, l’adjudicataire, qui prétendait n’avoir pas été informé de la délivrance de l’acte, considérait que le bail initial s’était poursuivi par tacite prolongation au-delà de son terme contractuel … ce qui l’autorisait désormais à délivrer congé avec offre de renouvellement pour un loyer non soumis aux dispositions régissant le plafonnement, le bail ayant plus de 12 ans…

 

Pour la Cour d’appel d’Aix en Provence, dont la position est partagée par la Cour de cassation, la demande de renouvellement du bail n’entre pas dans les prévisions de l’article 684 de l’ancien code de procédure civile. En d’autres termes, le bail renouvelé à la suite d’une demande signifiée ou notifiée par le preneur dans les délais de l’article L145-10 du Code de commerce, n’est pas un nouveau bail au sens des dispositions régissant la saisie immobilière[2].

 

Le renouvellement du bail ne pouvait donc faire l’objet d’aucune contestation.

 

II – L’adjudicataire, la fixation du loyer de renouvellement et la prescription biennale

 

L’adjudicataire sollicitait subsidiairement la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative, demande à laquelle le preneur excipait de la prescription biennale de l’article L145-60 du Code de commerce, dont le point de départ est, selon une jurisprudence constante, la date d’effet de la demande de renouvellement[3] ou celle de l’acceptation du bailleur qui lui est postérieure[4].

 

La Cour d’appel d’Aix en Provence relève que la prescription ne court pas contre celui qui ne peut valablement agir. Or, il n’était pas démontré que l’adjudicataire, qui n’avait pas à s’informer, ait été averti de la demande de renouvellement du preneur à bail

 

Les juges du fond considèrent donc l’action de l’adjudicataire en déplafonnement non prescrite.

 

L’arrêt est cassé par la Cour de cassation qui considère qu’il n’y a lieu de s’attacher qu’à la situation du saisi. Plus clairement dit, il importe peu que l’adjudicataire ait été informé ou non de la demande de renouvellement, dès lors que celle-ci a été valablement adressée au saisi, lequel ne s’y est pas opposé. Le nouveau bail a donc pris effet à compter de la date d’effet de la demande de renouvellement, et le délai de prescription biennal a couru à compter du renouvellement du bail.

 

La demande de l’adjudicataire était donc prescrite.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats


[1] 3ème civ, 23 mars 2011, n°10-10804, Bull Civ III n°43 

[2] A noter toutefois que l’article 684 de l’ancien Code de procédure civile a depuis lors été remplacé par l’article 2199 du Code civil, puis L321-4 du Code de procédure civile d’exécution, qui dispose désormais que :

 

« Les baux consentis par le débiteur après l’acte de saisie sont, quelle que soit leur durée, inopposables au créancier poursuivant comme à l’acquéreur. La preuve de l’antériorité du bail peut être faite par tout moyen. »

[3] 3ème civ, 30 juin 2004, n° 03-10.661, Bull. civ. III, n° 136

[4] 3ème civ, 29 novembre 2006, 05-19.736, Publié au bulletin

 

 

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