Revendications anciennes du salarié et prise d’acte de la rupture

Patricia VIANE CAUVAIN
Patricia VIANE CAUVAIN - Avocat

Source : Cass. Soc. 8 juillet 2020 n°19-12.815

 

La prise d’acte de la rupture d’un contrat de travail par un salarié produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque les manquements invoqués par le salarié sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

 

Quelle est le sort réservé à la demande du salarié quand celui-ci se prévaut de manquements anciens ?

 

En l’espèce, un salarié cadre administratif prend acte de la rupture de son contrat de travail cinq ans après avoir été embauché en reprochant à son employeur l’absence de paiement de ses heures supplémentaires.

 

Il demande la requalification de la prise d’acte de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse devant la juridiction prud’homale.

 

Les juges du fond accèdent à la demande du salarié en relevant que la clause de forfait figurant dans son contrat de travail était illicite et que l’employeur n’avait formé aucune proposition contractuelle pour y remédier.

 

L’employeur forme un pourvoi en soutenant que le juge ne pouvait retenir des manquements qui n’ont pas été invoqués devant lui, telle l’illicéité de la convention de forfait insérée dans le contrat de travail du salarié.

 

Il avance également qu’en formulant une proposition d’avenant au mois d’avril 2015, proposition refusée, il avait accédé à ce titre à la demande du salarié.

 

La Cour de Cassation observe que la Cour d’Appel a bien constaté que le salarié avait invoqué dans sa prise d’acte l’irrégularité de la clause de rémunération forfaitaire contenue dans son contrat de travail.

 

Par ailleurs, elle ajoute que si le dysfonctionnement était ancien, la revendication formée par le salarié à ce titre était encore d’actualité lors de la prise d’acte de la rupture, approuvant la motivation retenue par la Cour d’Appel sur ce point.

 

La Cour de Cassation a jugé par un arrêt en date du 26 mars 2014[1] que lorsque les manquements de l’employeur sont pour la plupart anciens, ils n’ont pas empêché la poursuite du contrat de travail de sorte que la prise d’acte de la rupture prend les effets d’une démission.

 

Elle a considéré en matière d’heures supplémentaires que l’absence de réclamation du salarié pendant cinq ans et en conséquence l’ancienneté du manquement, ne permettaient pas de conclure à l’existence d’un manquement suffisamment grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail[2].

 

Elle a précisé toutefois par un arrêt en date du 15 janvier 2020[3], que la persistance de graves manquements qui duraient depuis vingt ans rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat de travail : en l’occurrence, il s’agissait de harcèlement moral.

 

Ici si la clause de rémunération forfaitaire est illicite depuis le début de la relation contractuelle, l’absence de régularisation du paiement des heures supplémentaires et donc la persistance du manquement conduit à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

 

[1] Cass. Soc. 26 mars 2014 n°12-23.634

 

[2] Cass .Soc 14/11/2018 n°17-18890

 

[3] Cass. Soc. 15 janvier 2020, n°18-23.417

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