Remboursement de l’avance versée au sous-traitant en cas de résiliation anticipée du marché public

Amandine Roglin
Amandine Roglin

Après dix ans de procédure judiciaire, le Conseil d’Etat tranche : il est possible d’obtenir le remboursement des avances versées au sous-traitant en cas de résiliation anticipée d’un marché public.

CE, 1er juin 2023, n° 462211, mentionné au recueil Lebon.

I –

En 2006, un centre hospitalier a conclu un marché public de conception-réalisation avec un groupement solidaire en vue de la construction d’un nouvel hôpital.

Le groupement présente au maître d’ouvrage un sous-traitant, lequel est accepté et ses conditions de paiement agréées conformément à l’article 6 de la loi du 31 décembre 1975.

C’est ainsi que, bénéficiant du paiement direct, le sous-traitant sollicite et obtient du maître d’ouvrage une avance forfaitaire de 20% du montant des travaux sous-traités.

Le chantier est toutefois interrompu en raison du redressement judiciaire du titulaire du marché et les travaux ne seront jamais repris.

Le contrat avec le titulaire du marché est donc résilié et le maître d’ouvrage a demandé au sous-traitant le remboursement de l’avance versée en lui adressant un titre exécutoire.

Le sous-traitant s’y oppose et saisit le Tribunal administratif.

II –

Le Tribunal Administratif de la GUADELOUPE et la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX ont rejeté la demande du sous-traitant.

Celui-ci a donc formé un pourvoi.

Le 4 mars 2020, le Conseil d’Etat a jugé, dans un considérant de principe :

« Le maître d’ouvrage peut obtenir le remboursement de l’avance versée au sous-traitant sous réserve des dépenses exposées par le sous-traitant et qui correspondent à des prestations prévues au marché et effectivement réalisées ».

L’affaire est renvoyée devant la juridiction bordelaise.

III –

La Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX prend acte de la décision du Conseil d’Etat en faveur du sous-traitant.

La CAA estime qu’en vertu de l’article 88 du Code des marchés publics (R. 2191-11 et R. 2191-12 du CCP), le remboursement de l’avance versée au sous-traitant est subordonné à l’établissement d’un décompte général et définitif (DGD), y compris en cas de résiliation.

En l’occurrence, un tel décompte n’ayant pas été établi, le centre hospitalier ne pouvait pas demander le remboursement de l’avance versée au sous-traitant.

C’est donc cette fois le maître d’ouvrage qui se pourvoit devant le Conseil d’Etat, lui offrant l’occasion de clarifier sa précédente décision.

IV –

Le Conseil d’Etat réitère sa position : le maître d’ouvrage peut imputer le remboursement de l’avance par précompte sur les sommes dues par le titulaire à titre d’acomptes ou de règlement partiel définitif ou de solde et que ce mécanisme s’applique également au sous-traitant bénéficiant du paiement direct.

Le Conseil d’Etat ajoute une subtilité :  si aucun décompte général et définitif n’a été établi alors que le marché le prévoit, le maître d’ouvrage ne peut pas obtenir le remboursement de l’avance versée au titulaire, y compris en cas de résiliation du contrat.

En revanche, le remboursement de l’avance versée au sous-traitant ne peut pas être conditionné à l’établissement d’un DGD, aucun texte ni aucun principe ne le prévoyant.

Les conclusions du rapporteur public, Nicolas Labrune, apportent un éclairage sur cette distinction : le DGD est un acte contractuel visant à concrétiser la bonne exécution du contrat par le titulaire du marché.

Or, le versement d’une avance au sous-traitant intervient en dehors du cadre contractuel.

Le rapporteur public explique ainsi que la possibilité pour le sous-traitant de demander et d’obtenir une avance lui est offerte car il bénéficie du paiement direct.

Le paiement direct ne crée pas de lien contractuel entre le sous-traitant et le maître d’ouvrage, le DGD ne peut donc pas lui être opposé.

En conséquence, un DGD n’est pas nécessaire pour obtenir le remboursement de l’avance versée à l’entreprise sous-traitante.

Le maître d’ouvrage doit tout de même être en mesure de vérifier la réalité des dépenses engagées par le sous-traitant, le Conseil d’Etat l’invitant pour ce faire à se rapprocher du titulaire du marché ; ce qui peut se révéler difficile en particulier en cas de résiliation pour faute du titulaire.

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