SOURCE : Arrêt de la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation du 28 novembre 2019, n° 18-15.333 F-P+B+I
A la suite d’un contrôle effectué par l’URSSAF d’Alsace pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, cet organisme a notifié à une société de transport le 19 juillet 2012 une lettre d’observations portant sur un rappel de cotisations et contributions au titre du travail dissimulé.
Une mise en demeure ayant été adressée à l’entreprise, celle-ci a saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF, puis en l’absence de réponse elle a saisi le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale du Bas Rhin, lequel par jugement du 4 novembre 2015 l’a déboutée de sa contestation et a validé la contrainte délivrée par l’URSSAF.
La société ayant interjeté appel de ce jugement, la Cour d’Appel de Colmar, dans un arrêt du 22 février 2018, souligne que l’auto-entrepreneur a décrit dans le détail ses conditions d’interventions auprès des diverses sociétés qui le sollicitaient et précisé que pour la société de transport redressée, il résultait de ses déclarations qu’il était assujetti au pouvoir de subordination de la société que ce soit en ce qui concerne les tâches à effectuer, les moyens mis à sa disposition et les dates de ses interventions.
Dès lors, la Cour d’Appel considère que l’URSSAF était bien-fondé à qualifier les prestations de l’auto-entrepreneur de travail dissimulé en application des dispositions de l’article L8221-5 du Code du Travail et à réclamer le paiement des cotisations afférentes et la régularisation des déductions indûment calculées.
En suite de cette décision, la société forme un pourvoi en cassation.
A l’appui de son pourvoi, elle reproche à l’arrêt d’appel d’avoir fondé sa décision uniquement sur les seules déclarations du travailleur sans s’attacher à celles de la société sans examiner les éléments du dossier et elle lui reproche également de s’être contenté de relever, pour retenir l’existence d’un lien de subordination, que l’auto-entrepreneur utilisait les moyens de la société et qu’il ne disposait d’aucune indépendance concernant les tâches à effectuer et les dates de ses interventions, ce qui selon la société n’était pas de nature à caractériser l’existence d’un lien de subordination entre l’entreprise et son prestataire, lequel était immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés en qualité de chauffeur sans véhicule.
Mais la 2ème Chambre Sociale de la Haute Cour ne va pas suivre la société dans son argumentation.
Relevant que si, selon l’article L8221-6-1 du Code du Travail, les personnes immatriculées au Registre du Commerce et des Sociétés pour l’exécution de leur activité sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail, cette présomption légale de non salariat qui bénéficie aux personnes sous le statut d’auto-entrepreneur peut être détruite s’il est établi qu’elles fournissent, directement ou par personne interposée, des prestations au donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci,
Et soulignant que l’arrêt d’appel retient que le prestataire était immatriculé au registre du commerce pour l’activité de sciage et rabotage de bois, chauffeur poids lourds sans véhicule, celui-ci a décrit dans le détail ces conditions d’intervention auprès des diverses sociétés qui le sollicitaient et précisé que, pour la société en cause, il lui était demandé de conduire des camions afin d’effectuer des livraisons sur des chantiers, que les véhicules étaient mis à sa disposition par la société qui en assurait l’approvisionnement en carburant et l’entretien, que le prestataire utilisait la licence communautaire de la société et se présentait sur les chantiers comme faisant partie de la société, que les disques d’enregistrement étaient remis à cette dernière et qu’il était assujetti au pouvoir de subordination de la société, que ce soit pour les tâches à effectuer, les moyens mis à sa disposition et les dates de ses interventions, de sorte qu’il n’avait donc aucune indépendance dans l’organisation et l’exécution de son travail, ce qui a fait ressortir l’existence d’un lien de subordination juridique entre la société et la personne qu’elle avait employée sous le statut d’auto-entrepreneur,
Par suite, la Cour d’Appel en a exactement déduit que le montant des sommes qui avaient été versées à l’auto-entrepreneur devait être réintégré dans l’assiette des cotisations sociales.
En conséquence, la 2ème Chambre Civile de la Haute Cour rejette le pourvoi.