Contrôle URSSAF : le non-respect de la procédure d’abus de droit entraîne-t-il la nullité des opérations de contrôle ?

Judith Ozuch
Judith Ozuch

Sources : Cour de cassation, 16 février 2023, n° 21-11.600 FS-B et n° 21-18.322 FS-B.

La Cour de cassation répond par l’affirmative. Elle consacre dans un premier temps l’existence de la notion « d’abus de droit implicite » utilisée par l’URSSAF dès lors que l’organisme écarte des actes répondant aux critères de l’article L.243-7-2 du Code de la sécurité sociale. Puis, elle confirme que, dans une telle hypothèse, si l’URSSAF ne se conforme pas à la procédure prévue par l’article L.243-7-2 du Code de la sécurité sociale, les opérations de contrôle et de redressement subséquentes sont entachées de nullité.

L’abus de droit en matière de contrôle URSSAF est défini à l’article L.243-7-2 du Code de la sécurité sociale :

« Afin d’en restituer le véritable caractère, les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 sont en droit d’écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

Cette procédure s’inspire de l’abus de droit en matière fiscale.

En l’espèce, la Cour de cassation a été saisie pour deux affaires similaires concernant un abus de droit :

  • Pourvoi n° 21-11.600 : l’Urssaf a remis en cause les exonérations de cotisations et contributions de sécurité sociale d’une partie des indemnités versées lors du départ de nombreux salariés dont elle avait jugé les procédures de licenciement fictives, tout comme les accords transactionnels conclus postérieurement ;
  • Pourvoi n° 21-18.322 : l’Urssaf a remis en cause les exonérations de cotisations et contributions de sécurité sociale appliquées sur les indemnités de licenciement versées à deux cadres supérieurs dont elle jugeait les contrats de travail fictifs en l’absence de lien de subordination et de séparation de leurs fonctions techniques et de leur mandat social ;

En premier lieu, la Cour de cassation rappelle que lorsque l’organisme de sécurité sociale écarte un acte juridique dans les conditions de l’articles L.243-7-2 du Code de la sécurité sociale, il se place nécessairement sur le terrain de l’abus de droit.

Dans les deux affaires de l’espèce, la Cour de cassation a décidé que l’URSSAF utilisait la notion d’abus de droit.

Ainsi, la Haute juridiction considère que l’URSSAF se référait implicitement à l’abus de droit caractérisant par la même la notion d’abus de droit “implicite”.

Dans ces deux affaires (n° 21-11.600 et 21-18.322), la Cour de cassation s’en rapporte à l’appréciation souveraine des juges du fond auxquels elle renvoie.

La Cour de cassation consacre ainsi, comme en droit fiscal, la notion d’abus de droit implicite. En effet, l’Urssaf n’a jamais qualifié les actes d’abus de droit et ne s’est pas placée dans le champ de la procédure spécifique à l’abus de droit, pas plus qu’elle n’en a tiré les conséquences puisqu’elle n’a pas appliqué la pénalité de 20 % propre à ces abus.

Ainsi, pour la Cour de cassation, lorsque l’Urssaf écarte un acte juridique remplissant les conditions de l’abus de droit sans se conformer à la procédure prévue par l’article L.243-7-2 du Code de la sécurité sociale, les opérations de contrôle et de redressement subséquentes sont entachées de nullité.

Cette conséquence s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence classique de la Cour de cassation qui sanctionne par la nullité la méconnaissance des règles de contrôle et de redressement qui répondent aux exigences du contradictoire.

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