Dénonciation de faits de harcèlements au travail, attention à la diffamation.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 26 novembre 2019, n° 19-80.360, FS-P+B+I

 

Une salariée s’estimant victime de harcèlement, adresse un mail dans lequel elle dénonce les agissements qu’elle a subi.

 

Ce mail intitulé « agression sexuelle, harcèlement sexuel et moral », est adressé au directeur de l’association qui l’emploie, à l’inspecteur du travail, à plusieurs cadres de l’entreprise mais également au fils de l’auteur présumé de ces agissements.

 

Le salarié en question, contestant les propos et faits a intentée une action contre la salariée en diffamation publique.

 

Par principe, le salarié dénonçant des faits qu’il estime constitutifs de harcèlement ne peut être sanctionné[1]. Un licenciement ou une sanction fondée sur ce motif est nul[2].

 

La jurisprudence a précisé que la mauvaise foi du salarié, qui se caractérise par la connaissance de ce dernier de la fausseté des faits qu’il dénonce, lève cette immunité[3].

 

Notamment lorsque le salarié dénonce de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l’entreprise et de se débarrasser de son supérieur hiérarchique[4].

 

La Chambre civile de la cour de cassation[5], pose le principe selon lequel, le salarié ayant procédé à une dénonciation de faits de harcèlement bénéficie du statut protecteur édicté par le Code du travail, mais ne peut se prévaloir d’une immunité pénale. Ainsi, le salarié est redevable de la formulation de ses imputations ou allégations.

 

En de telles circonstances, la charge de la preuve incombe à la partie poursuivante, laquelle doit démontrer d’une part, que les faits dénoncés ne sont pas établis et d’autre part que le salarié avait connaissance que les faits dénoncés n’étaient pas établis[6].

 

Dès lors, l’action en diffamation était fermée, réservant la seule possibilité d’une action en dénonciation calomnieuse[7] (cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende).

 

Une telle qualification est importante, puisqu’en cas de dénonciation calomnieuse, il appartient à la personne qui s’en estime victime d’apporter la preuve de la mauvaise foi manifeste de l’auteur des dénonciations.

 

Dans l’arrêt commenté, la Chambre criminelle rappelle que cette immunité pénale bénéficie au salarié qui s’estime victime, lorsqu’il a dénoncé ces agissements auprès de son employeur ou des organes chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du travail.

 

Or, en l’espèce, la salariée a également adressé sa dénonciation à des personnes ne disposant pas de l’une de ces qualités.

 

En conséquence, sa responsabilité pouvait être engagée sur le fondement de la diffamation.

 

Lors d’une action en diffamation, il appartient au salarié qui a procédé à la dénonciation d’établir la vérité des faits qu’il invoque à l’appui de celle-ci.

 

La salariée aurait pu également prétendre avoir été de bonne foi au moment de la dénonciation, toutefois elle devait prouver :

 

  L’existence d’un but légitime dans les proposes tenus ;

 

  L’absence d’animosité personnelle ;

 

  La prudence dans l’expression ;

 

  L’existence d’une enquête préalable sérieuse, permettant de s’assurer de la véracité des sources.

 

La cour d’appel ayant considéré que les propos litigieux ne disposaient pas d’une base légale suffisante, la bonne foi de la salariée n’a pu être retenue.

 

[1] Article L. 1152-2 du Code du travail

 

[2] Article L. 1152-3 du Code du travail

 

[3] Cass. soc., 7 févr. 2012, n°10-18.035

 

[4] Cass. soc., 22 janv. 2014 n° 12-28.711

 

[5] Cass. 1re civ., 28 sept. 2016, n° 15-12-28.71121.823

 

[6] Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-25.554

 

[7] Articles 226-10 et suivants du Code pénal

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