Rectification d’erreur matérielle d’une décision et droit de repentir du bailleur

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 15 décembre 2016, n°15-28786, P+B

 

Tout propriétaire de locaux donnés à bail commercial peut, à l’arrivée du terme contractuel de la convention, reprendre possession de ses locaux, sous réserve d’acquitter une indemnité d’éviction (art L145-14 du Code de commerce).

 

Cette indemnité pouvant s’avérer conséquente, le législateur a autorisé le propriétaire à changer d’avis par l’offre de renouvellement du bail. Il s’agit d’un droit dit « de repentir »[1], défini à l’article L145-58 du Code de commerce :

 

« Le propriétaire peut, jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l’indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l’instance et de consentir au renouvellement du bail (…) »

 

L’exercice de ce droit, irrévocable selon l’article L145-59 de Code de commerce, doit cependant être sans équivoque[2].

 

Tel n’était pas le cas dans cette espèce dans laquelle un bailleur avait exercé son repentir dans les quinze jours de l’arrêt fixant le montant de l’indemnité d’éviction de son preneur, mais avait maladroitement conditionné son repentir à l’échec du pourvoi contre la décision, entrainant selon la jurisprudence, l’inefficacité de l’acte[3]. La décision étant passé en force de chose jugée entre la date du repentir et celle du constat de l’inefficacité de l’acte, le bailleur était contraint d’acquitter l’indemnité d’éviction fixée.

 

Cependant, le preneur a sollicité de la Cour d’appel la rectification d’une erreur matérielle de l’arrêt, dont le dispositif omettait une partie de l’indemnité d’éviction arrêté dans le corps de la décision.

 

L’arrêt est ainsi rectifié… et le bailleur exerce de nouveau son droit de repentir, estimant que l’autorité de la chose jugée s’attache au seul dispositif d’un jugement et non à ses motifs, de sorte qu’il pouvait exercer de nouveau « son droit de repentir à la suite de l’arrêt rectificatif qui seul lui a permis de connaître le montant de l’indemnité d’éviction à verser ».

 

La Cour d’appel de Paris n’est pas de cet avis, et considère que la décision rectificative n’ouvre aucun droit nouveau aux parties, en ce compris de droit de repentir.

 

Le pourvoi dirigé contre l’arrêt est rejeté, la Cour de cassation rappelant que « la décision rectificative n’a pas d’autre autorité que celle de la décision rectifiée à laquelle elle s’incorpore ».

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1] Sur les conditions du droit de repentir, cf notre article du 19 novembre 2014

[2] 3ème civ, 22 novembre 2011, n°10-26021

[3] 3ème civ, 9 mars 2011, n°10-10409

 

 

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