Quelles sanctions sur le plan du droit du travail en cas de situation de harcèlement moral caractérisée ?

Judith Ozuch
Judith Ozuch

L’octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en raison de l’existence d’une situation de harcèlement moral ne fait pas obstacle à une demande distincte du salarié d’octroi de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Source : Cour de cassation, Chambre sociale, 1er juin 2023, n° 21-23.438

Le principe veut qu’un même préjudice ne puisse pas être réparé deux fois. En revanche, deux préjudices distincts peuvent donner lieu à un cumul d’indemnisation.

En cas de reconnaissance d’une situation de harcèlement moral, il est donc possible de cumuler les réparations à savoir :

  • la réparation liée au manquement de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement[1];
  • la réparation liée au manquement de l’employeur à son obligation générale de prévention des risques professionnels énoncée aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail[2] ;
  • à la réparation liée à des dommages et intérêts pour licenciement nul.

En l’espèce, un salarié, victime d’un harcèlement moral, avait fait l’objet d’un licenciement.

La Cour d’appel a reconnu l’existence d’agissements répétés constitutifs d’un harcèlement moral et ayant porté atteinte aux droits du salarié et à sa dignité.

La juridiction du fond a donc validé l’existence d’un lien entre le harcèlement subi et le licenciement et par conséquent prononcé la nullité du licenciement. Cependant, elle a rejeté la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, considérant que les préjudices se confondaient.

La Cour de cassation devait donc se prononcer sur l’existence ou non de deux préjudices distincts.

La Haute juridiction rappelle en premier lieu les dispositions de l’article L.1152-1 du Code du travail :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ».

Sur ce fondement, la Cour considère que le salarié reconnu victime d’un harcèlement subit un préjudice qui peut être réparé par l’octroi de dommages-intérêts.

Elle rappelle ensuite les dispositions de l’article L.1152-3 du Code du travail qui prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de l’article L 1152-1 est nulle.

Sur ce fondement, la Cour considère que, le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral est nul et ne peut ouvrir droit à une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois[3].

Pour la Cour de cassation, l’octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne fait pas obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

On notera que la décision est publiée pour la première fois au bulletin de ses chambres civiles, ce qui lui donne une plus grande portée.


[1] Cass. soc. 6-6-2012 n° 10-27.694

[2] Cass. soc. 27-11-2019 n° 18-10.551

[3] C. trav. art. L 1235-3-1

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