Quand la preuve d’une infidélité conjugale rapportée par correspondances électroniques   prévaut sur le droit au respect de la vie privée

Vianney DESSENNE
Vianney DESSENNE - Avocat

Source : AFFAIRE M.P. c. PORTUGA, Article 69 du code de procédure pénale, Article 194 § 3 du code pénal

 

Invoquant l’article 8, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales du 4 novembre 1950, une femme se plaignait du fait que les juges portugais n’aient pas sanctionné son mari pour avoir eu accès et produit les messages électroniques qu’elle avait échangés sur un site de rencontres, dans le cadre de la procédure de divorce qu’il avait engagée visant notamment à établir la répartition de l’autorité parentale.

 

Saisie de ce litige, la Cour européenne des droits de l’homme relève en premier lieu que le fait d’accéder au contenu de lettres ou de télécommunications sans le consentement des correspondants et le fait de divulguer le contenu ainsi obtenu sont sanctionnés pénalement au regard du droit portugais applicable en l’espèce.

 

Il convenait ensuite de déterminer si le Juge portugais avait mis en balance les intérêts qui étaient en jeu, à savoir : d’une part, le droit de la requérante au respect de sa vie privée et, d’autre part, le droit de son mari à bénéficier d’une possibilité raisonnable de présenter sa cause et les preuves venant à son appui dans des conditions ne le plaçant pas dans une situation de net désavantage par rapport à la requérante dans le cadre de deux procédures civiles qui, par leur nature même, touchaient à la vie privée du couple et de la famille.

 

S’agissant de l’accès aux messages électroniques, la Cour note que la Cour d’appel de Lisbonne a considéré que la requérante avait donné à son mari un accès total à la messagerie qu’elle entretenait sur le site de rencontre et que, à partir de ce moment, ces messages faisaient partie de la vie privée du couple.

 

S’agissant ensuite du versement des messages électroniques dans le cadre des procédures de divorce et de répartition de la responsabilité parentale, la Cour partage l’avis des juridictions portugaises suivant lesquelles la production des messages litigieux dans le cadre des procédures civiles en cause permettait une appréciation de la situation personnelle des conjoints et de la famille.

 

La Cour rappelle toutefois que dans une telle situation, l’ingérence dans la vie privée qui découle de la production de pareils éléments doit se limiter, autant que faire se peut, au strict nécessaire.

 

En l’espèce, la Cour estime que les effets de la divulgation des messages litigieux sur la vie privée de la requérante ont été limités : ces messages n’ont été divulgués que dans le cadre des procédures civiles dont l’accès est par essence restreint.

 

En outre, la Cour relève que les messages n’ont pas été examinés concrètement : le Tribunal aux affaires familiales de Lisbonne n’ayant finalement pas statué sur le fond des demandes formulées par le mari.

 

Par conséquent, la Cour affirme que les autorités nationales ont mis en balance les intérêts en jeu en respectant les critères qu’elle a établis dans sa jurisprudence.

 

D’autre part, dès lors que la requérante avait renoncé à toute prétention civile dans le cadre de la procédure pénale, seule restait à trancher la question de la responsabilité pénale du mari, question sur laquelle la Cour ne saurait statuer.

 

La Cour en conclut que l’État portugais s’est donc acquitté de l’obligation qui lui incombait de garantir les droits de la requérante au respect de sa vie privée et au secret de sa correspondance et qu’aucune violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ne saurait être qualifiée.

 

Il est ici rappelé qu’en droit français, la preuve peut être rapportée par tout moyen en matière de divorce, sauf si cette preuve est obtenue par violence ou fraude.

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