Cyberharcèlement de meute : première affaire, première qualification pour de premières sanctions

Equipe VIVALDI
Equipe VIVALDI

Source : Section 3 bis : Du harcèlement moral (Articles 222-33-2 à 222-33-2-2)

 

Le harcèlement est constitué par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la santé physique ou mentale d’une personne, engendrant une dégradation de ses conditions de vie.

 

Le cyberharcèlement est constitué par ces mêmes propos ou comportements répétés, assénés en utilisant toute forme de communication électronique.

 

Les pratiques caractérisant le cyberharcèlement présentent de multiples visages : insultes, moqueries, menaces, rumeurs, intimidations, usurpation d’identité numérique, etc.

 

Est venu s’ajouter le cyberharcèlement dit « de meute », aussi appelé « raid numérique », désignant un flot de messages d’insultes ou dénigrants adressés à une ou des victimes par un groupe de personnes, en incitant d’autres à y participer.

 

La loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a introduit une nouvelle infraction sanctionnant cette pratique.

 

En effet, l’article 222-33-2-2 du Code pénal dans sa nouvelle rédaction est venu préciser que l’infraction était susceptible d’être qualifiée :

 

  « Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

 

  Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. »

 

Cette nouvelle loi permet donc de sanctionner tous les participants à une action de harcèlement menée en groupe, concertée ou non, à l’instigation de l’un d’eux ou non, y compris ceux qui ne serait intervenu qu’une seule fois dès lors que leur action s’inscrit dans une répétition.

 

En outre, ce texte ajoute une circonstance aggravante si ces actes sont « commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique », circonstance sanctionnée par une condamnation pouvant être portée à 2 ans d’emprisonnement et 30.000 €uros d’amende. »

 

Dans un jugement du 21 septembre 2020, le Tribunal correctionnel de Versailles a fait la première application de ces nouvelles dispositions sanctionnant le cyberharcèlement de meute.

 

En effet, un youtubeur a ainsi été condamné à une peine de 2 ans d’emprisonnement, dont un ferme, et à une amende de 10.000 €uros, pour avoir envoyé des milliers de messages haineux, outrageants ou insultants à l’encontre des plaignants, dont l’avocat de l’un deux, et pour avoir incité les 150.000 abonnés de sa chaine YouTube à relayer ses messages.

 

Au-delà des faits caractérisés de harcèlement, c’est également l’instigation d’un cyberharcèlement de meute qui est sanctionnée, une première.

 

Si la loi du 3 août 2018, dont ce jugement constitue donc la première application en matière de raid numérique, vise le volet pénal de la lutte contre le cyberharcèlement et les contenus haineux, un autre texte complétant la précédente loi avait été envisagé par le législateur soutenu par le gouvernement.

 

En effet, une proposition de loi, dite « loi Avia », visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet prévoyait une obligation pour les plateformes de retirer dans un délai de 24 heures à compter de leur signalement les publications à caractère raciste, sexiste ou homophobe. A défaut, elles encourraient de lourdes amendes.

 

Par décision en date du 18 juin 2020, le Conseil constitutionnel a toutefois censuré cette disposition phare du texte, estimant que celle-ci portait « une atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».

 

Le mécanisme imaginé par le législateur écartait effectivement toute intervention du juge judiciaire, pourtant garant des libertés fondamentales, amenant les opérateurs de plateforme en ligne à retirer des contenus sans que leur illicéité ne soit appréciée.

 

Malgré ce camouflet, l’exécutif français ne baisse pas les bras, sollicitant dans le cadre des discussions portant sur un projet de texte européen, le « Digital Services Act », des dispositions pour « contraindre les plateformes à retirer promptement les contenus manifestement illicites » via « des obligations de moyens sous le contrôle d’un régulateur indépendant qui définirait des recommandations contraignantes relatives à ces obligations et sanctionnerait les éventuels manquements ».

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