Le principe de non rétroactivité et son application en droit fiscal
Le principe de non-rétroactivité est posé par l’article 2 du Code civil :
« La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif. »
Cela signifie qu’une norme juridique ne peut avoir d’effet sur des événements ayant eu lieu avant son entrée en vigueur. Si ce principe a valeur constitutionnelle en matière répressive, ce n’est pas le cas en matière fiscale, le Conseil constitutionnel juge[1] :
« que le principe de non rétroactivité des lois n’a valeur constitutionnelle, en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qu’en matière répressive ; qu’il est loisible au législateur d’adopter des dispositions fiscales rétroactives dès lors qu’il ne prive pas de garantie légale des exigences constitutionnelles ; qu’aucune norme de valeur constitutionnelle ne garantit un principe dit de “confiance légitime” »
En pratique, en matière fiscale, le droit applicable est celui qui est en vigueur au moment du fait générateur de l’impôt, c’est-à-dire le moment où la dette d’impôt du contribuable est effectivement constituée.
Mais, compte tenu des spécificités de certains impôts, une loi même non rétroactive peut s’appliquer à des situations intervenues avant son vote.
D’ailleurs, ce constat se vérifie encore très récemment avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 du 30 décembre 2017, laquelle prévoit une hausse de la CSG de 1,7% applicable aux revenus du patrimoine dont le rôle est émis à compter du 1er janvier 2018 (= aux revenus réalisés en 2017).
La proposition de loi
Tout d’abord, rappelons que ce principe de non rétroactivité fiscale a déjà fait l’objet d’une « charte de la nouvelle gouvernance fiscale » publiée en décembre 2014.
Les députés à l’origine de la proposition de loi souhaitent aller plus loin en inscrivant dans la Constitution le principe de stabilité fiscale.
Ils estiment que l’article 14 de la DDHC, qui prévoit notamment le droit des Citoyens à pouvoir déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée de la contribution publique, est bafoué aujourd’hui par l’insécurité juridique et fiscale ; « ils [les citoyens) ne peuvent en réalité constater par eux-mêmes la nécessite de la contribution publique, ni n’y consentent ».
Or « la sécurité fiscale est une condition essentielle au développement de l’économie d’un pays et au bon fonctionnement des sociétés […] Elle implique que les contribuables individuels et les opérateurs économiques puissent, à l’avance, connaître les avantages et les inconvénients de leurs actes, ainsi que leurs droits et obligations ».
L’article 1 de la proposition comprend deux principes fondamentaux :
– L’alinéa 1 institut la « règle d’or fiscale » qui se traduit par l’impossibilité pour le Parlement de modifier plus d’une fois par législature un même impôt, sauf dans le cas où il s’agit d’n diminuer le taux ou l’assiette.
– L’alinéa 2 vise à constitutionnaliser le principe de non-rétroactivité fiscale, c’est-à-dire à inscrire dans l’article 34 de la Constitution que les lois de finances adoptées en cours d’année ne pourront plus modifier les règles fiscales portant sur les revenus des entreprises perçus au cours de l’année concernée, sauf si l’intérêt général le justifie, ou si cette telle disposition allège le niveaux des prélèvements obligatoires.
L’article 2 insère clairement dans la Constitution le principe de stabilité fiscale, prenant acte de la position du Conseil Constitutionnel qui ne reconnaît confère pas valeur constitutionnelle à ce principe.
Enfin, l’article 3 inscrit également le principe de stabilité fiscale et donc de visibilité fiscale dans les lois de programmation pluriannuelle pour une plus grande cohérence.
De telles propositions[2] ont déjà été discutées à l’assemblée nationale en 2013 où elles avaient été rejetées. Pierre MOSCOVICI avait indiqué que « le droit existant comportait déjà des garanties importantes pour le contribuable et qu’en conséquence l’objectif de stabilité fiscale affiché pouvait déjà être atteint »…
Clara DUBRULLE
Vivaldi Avocats
[1] Décision n° 97-391 DC du 7 novembre 1997
[2] Proposition de loi organique tendant à encadrer la rétroactivité des lois fiscales n°568 http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion0568.asp