Lettre de contestation de la créance d’un établissement public à caractère administratif : pas besoin de l’adresser à l’agent comptable en personne

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 10 janvier 2018, n°16-20.764, F-P+B+I

 

I – Le texte visé

 

S’agissant des modalités d’information du créancier dont la dette est contestée, l’article R.624-1 du Code de commerce, en son aliéna 2, précise que :

 

« Si une créance autre que celle mentionnée à l’article L.625-1 est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le délai de trente jours prévu à l’article L.622-27 court à partir de la réception de la lettre. Cette lettre précise l’objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l’inscription est proposée et rappelle les dispositions de l’article L. 622-27. »

 

II – L’espèce

 

Une société est mise en redressement puis liquidation judiciaires les 26 juillet et 11 septembre 2012. L’agent comptable de l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (l’Oppic), établissement public à caractère administratif, a déclaré une créance qui a été contestée par le liquidateur. Conformément à la proposition de ce dernier, le juge-commissaire a rejeté la créance, faute de réponse du créancier dans le délai de trente jours à la lettre de contestation.

 

L’Oppic, agissant par son agent comptable, a formé un recours contre cette ordonnance, en faisant valoir que ni le délai d’appel contre l’ordonnance du juge-commissaire, ni celui pour répondre à la contestation n’avaient couru, au motif que cette ordonnance et la lettre de contestation n’avaient pas été notifiées à son agent comptable, seul compétent pour déclarer les créances.

 

La cour d’appel a jugé l’Oppic recevable à contester la proposition de rejet de sa créance formulée par le liquidateur judiciaire. Elle constate, à cet effet, que le liquidateur a adressé sa lettre de contestation à l’Oppic, et non à l’agent comptable de celui-ci pourtant seul habilité à agir en matière de déclaration de créance. Dès lors, elle en déduit qu’un tel envoi de la lettre de contestation, irrégulier, n’a pas fait courir le délai de trente jours prévu par l’article L. 622-27 du Code de commerce pour contester la proposition du mandataire judiciaire. Ce dernier a saisie la cour de cassation de la question.

 

II – L’arrêt de cassation

 

La Cour régulatrice ne le voit pas ainsi, et casse l’arrêt d’appel, au motif on ne peut plus claire que :

 

« L’envoi de la lettre de contestation par le liquidateur au siège d’un établissement public à caractère administratif, qui a la qualité de créancier, vaut avis à celui-ci de l’existence de la contestation au sens de l’article R.624-1, alinéa 2, du Code de commerce, peu important que la lettre n’eût pas été adressée personnellement à l’agent comptable, seul compétent pour déclarer les créances de l’établissement public. »

 

Dans la même veine, la Cour de cassation a déjà jugé que, lorsqu’un créancier déclare sa créance par l’intermédiaire d’un mandataire, en l’occurrence un avocat, la lettre par laquelle le mandataire judiciaire avise que la créance déclarée fait l’objet d’une contestation peut être uniquement adressée au créancier, cet envoi faisant alors courir le délai de réponse de trente jours[1].

 

A l’inverse, seul le trésorier, qui a procédé à la déclaration de créance, a qualité pour faire connaître ses explications. Ce principe résulte du fait qu’il tient seul, de la loi, le pouvoir de poursuivre la rentrée de tous les revenus et de toutes les sommes dues[2]

 

La décision commentée doit être approuvée, pour éviter des chicanes procédurales cachées derrière des principes de comptabilité publique. La célérité des procédures collectives ne s’en portera qu’un peu mieux.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass. com., 19 décembre 2006, n°05-19.115, F-P+B

[2] Cass. com. 23 oct. 2007, no 06-19.069 P

 

 

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