Source : Cass. Com., 7 février 2018, pourvoi n° 17-10.056 FS-P+B+I.
Les décisions en matière d’articulation entre le Règlement européen sur les procédures d’insolvabilité et le droit français des procédures collectives ne sont pas si fréquentes. Dans ces conditions, les décisions sur le sujet sont toujours examinées avec intérêt, surtout lorsqu’elles comportent les mentions de publication les plus élargies (FS-P+B+I).
En l’espèce, une juridiction roumaine avait ouvert, à la demande d’une société ayant son siège social en ROUMANIE, une procédure d’insolvabilité.
Ultérieurement, et la chronologie est ici essentielle, un créancier français assigne devant une juridiction française cette même société pour défaut de paiement, puis l’assigne en ouverture d’une procédure collective.
Le tribunal de Commerce de CRETEIL y fait droit et prononce la liquidation judiciaire, faisant remonter la date de cessation des paiements plus de deux ans en arrière. Compte tenu de ce retard dans l’état de cessation des paiements, le Ministère Public sollicite la condamnation du dirigeant à une mesure d’interdiction de gérer, lui reprochant son immobilisme.
La Cour d’Appel suit l’argumentation, retenant tout particulièrement que la juridiction française avait situé en FRANCE le centre des intérêts principaux, de sorte qu’elle considérait que les juridictions françaises étaient bien en charge de la procédure principale, et donc compétentes pour décider d’éventuelles sanctions.
La Cour de cassation, dans l’arrêt commenté, censure la Cour d’Appel. Elle revient en effet sur la chronologie, considérant que la procédure d’insolvabilité ouverte en ROUMANIE, antérieurement à la procédure française, devait nécessairement être reconnue immédiatement dans tous les autres États membres, de sorte que la procédure française ne pouvait être qu’une procédure secondaire. Et même si les juridictions françaises avaient situé en FRANCE le centre des intérêts principaux de la société débitrice, l’autorité de la chose jugée attachée à ce jugement, dans l’ordre juridique interne, n’était pas de nature à faire écarter le caractère simplement secondaire de cette procédure. Dès lors, le dirigeant, qui n’était pas tenu d’effectuer en FRANCE une déclaration de cessation des paiements (il y avait déjà procédé en ROUMANIE), ne pouvait être sanctionné pour s’en être abstenu.
Il s’agit ici d’un rappel heureux, par la Cour de cassation, du principe d’universalité de la procédure principale ouverte par une juridiction de l’un des États membres, qui s’impose aux autres. Une nouvelle fois, les décisions de ce type sont suffisamment rares pour être accueillies avec grand intérêt.
Etienne CHARBONNEL
Associé
Vivaldi-Avocats