Procédure d’appel d’offres et exigences d’impartialité

Stéphanie TRAN
Stéphanie TRAN

 

Source :CE 14 oct. 2015, req. n° 390968

 

En l’espèce, la région Nord-Pas-de-Calais a lancé, le 6 février 2015, une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la passation d’un marché à bon de commandes ayant pour objet la mise en place d’une carte dématérialisée « Génération Nord-Pas-de-Calais », destinée à se substituer aux dispositifs existants des « chéquiers livres région » et « chéquiers équipements des apprentis ».

 

Le 9 avril 2015, le président du conseil régional a informé la société Rev&Sens du rejet de son offre et de l’attribution du marché à la SA Applicam.

 

La société Rev&Sens a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Lille au motif que la personne chargée par la région d’une mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage pour le marché litigieux avait exercé des responsabilités importantes au sein de la société attributaire.

 

Il faut préciser que cette personne avait non seulement contribué à la rédaction du cahier des clauses techniques particulières mais aussi à l’analyse des offres des candidats aux côtés des services de la région.

 

Dans ces conditions, le Tribunal administratif de Lille a estimé que cette personne a été susceptible d’influencer l’issue de la procédure litigieuse et a annulé la procédure par une ordonnance du 28 mai 2015.

 

La SA Applicam et la région Nord-Pas-de-Calais demandent au Conseil d’Etat d’annuler cette ordonnance aux termes de deux pourvois qui ont été joints et ont donné lieu à l’arrêt du 28 mai 2015

 

Dans un considérant général, le Conseil d’état est venu rappeler l’importance du principe d’impartialité, et sa portée dans la procédure d’appel d’offres :

 

« Au nombre des principes généraux du droit qui s’imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d’impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence »

 

Au-delà de ce rappel général, l’arrêt mérite attention à différents titres.

 

En premier lieu, le Conseil d’Etat estime qu’il est indifférent que la personne que s’est adjointe le pouvoir adjudicataire n’exerce plus de responsabilité au sein de la société attributaire.

 

En pareil cas, il est évident que le manquement au principe d’impartialité aurait été patent.

 

Pour le Conseil d’état, il suffit toutefois que, par le passé, de telles fonctions aient été exercées, dès lors qu’une certaine proximité dans le temps existe. En l’espèce, la procédure d’appel d’offres a été lancée moins de deux ans après le départ de l’entreprise de l’intéressé.

 

En deuxième lieu, la décision est intéressante en ce qu’elle illustre la prégnance de la notion d’impartialité objective sur celle d’impartialité subjective. Peu importe qu’un manquement n’ait pas été effectivement commis, ce qui importe c’est l’atteinte portée à l’apparence d’impartialité :

 

« s’il ne résulte pas de l’instruction que l’intéressé détiendrait encore des intérêts au sein de l’entreprise, le caractère encore très récent de leur collaboration, à un haut niveau de responsabilité, pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance de tels intérêts et par voie de conséquence sur l’impartialité de la procédure suivie par la région ».

 

En troisième lieu, il faut observer que le Conseil d’état prend en considération l’inertie du pouvoir adjudicataire, relevant ainsi :

 

« Il était au demeurant loisible à la région, qui avait connaissance de la qualité d’ancien salarié de la SA Applicam de M.A…, de mettre en œuvre, une fois connue la candidature de cette société, toute mesure en vue de lever ce doute légitime, par exemple en l’écartant de la procédure d’analyse des offres »

 

Le Conseil d’état en conclut donc :

 

« la région Nord-Pas-de-Calais a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; que, par suite, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la demande, d’annuler la procédure contestée »

 

En résumé, le pouvoir adjudicataire doit s’assurer, en son sein, de l’absence de risque de conflits d’intérêts. Si un tel risque est dévoilé, il doit, dans une démarche de transparence, en faire état et prendre les mesures qui s’imposent pour démontrer que tout risque d’impartialité est levé.

 

Stéphanie TRAN

Vivaldi-Avocats

 

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