SOURCE : CE, 6 décembre 2013, n°354703
Rappelons que depuis la réforme du permis de construire et des autorisations d’urbanisme de 2005/2007, l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme dispose que la demande de permis de construire est présentée notamment soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par toute personne « attestant » être autorisée par ces derniers à exécuter les travaux.
Aussi, la personne qui n’a ni la qualité de propriétaire du terrain, ni celle de mandataire, n’a plus à justifier d’un « titre l’habilitant » à construire sur le terrain, ainsi que l’exigeait l’ancien article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme.
C’est ainsi que dans son arrêt « Mme Quenesson » du 15 février 2012 (req. n°333631), le Conseil d’Etat a considéré que nonobstant l’autorisation de la copropriété, l’attestation du pétitionnaire selon laquelle celui-ci déclarait avoir été autorisé à exécuter les travaux suffisait, en l’absence de fraude.
Or à cet égard, le Conseil d’Etat a implicitement jugé que le fait pour le pétitionnaire de ne pas avoir sollicité l’autorisation des copropriétaires ne pouvait être constitutif d’une fraude, alors même que l’autorisation serait en tout état de cause nécessaire :
« Considérant, en second lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A…, en attestant remplir les conditions définies à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme, ait procédé à une manoeuvre de nature à induire l’administration en erreur et que la décision de non-opposition ait ainsi été obtenue par fraude ; que cette décision ayant été prise sous réserve des droits des tiers, elle ne dispense pas M. A…d’obtenir une autorisation en application de la loi du 10 juillet 1965 si cette autorisation est requise pour effectuer les travaux mentionnés dans sa déclaration ; (…) ».
Par ailleurs, le rapporteur public dans cette affaire avait énoncé qu’il ne voyait « guère d’hypothèse dans laquelle la fraude p[ouvait] désormais jouer en matière de copropriété puisque le dossier n’a[vait] rien à indiquer sur la question ».
Néanmoins, le rapporteur public avait réservé l’hypothèse où le pétitionnaire qui ne serait nullement le propriétaire, se serait vu expressément refuser la réalisation des travaux par ce dernier.
De sorte qu’il y aurait fraude lorsque le pétitionnaire atteste qu’il aurait été autorisé à exécuter les travaux alors même que cette autorisation lui aurait été expressément refusée par le propriétaire.
Cette hypothèse a été récemment confirmée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 6 décembre 2013 (req. n°354703).
En l’espèce, un litige opposait, à la suite d’un incendie d’une ferme, le preneur à bail à la bailleresse, celle-ci refusant la reconstruction du bâtiment dont elle était propriétaire indivis.
Le preneur avait néanmoins procédé à la réalisation des travaux de reconstruction sans autorisation d’urbanisme, à la suite desquels il avait été condamné pénalement et avait obtenu un permis de régularisation, dont la bailleresse contestait la légalité.
Le Conseil d’Etat relève que le preneur avait déclaré avoir qualité pour demander le permis de construire, alors même qu’il ne pouvait « sérieusement prétendre ignorer, compte tenu du litige en cours avec Mme E…, copropriétaire indivis du terrain d’assiette du projet, l’opposition de cette dernière à la réalisation des travaux litigieux » ;
Aussi, il a jugé qu’ « en attestant remplir les conditions définies à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme », le preneur devait « être regardé comme s’étant livrée à une manœuvre de nature à induire l’administration en erreur », et le permis de construire comme ayant été obtenu par fraude.
Le Conseil d’Etat considère donc que c’est à bon droit que les premiers juges avaient annulé le permis de construire.
Stéphanie TRAN
Vivaldi-Avocats