SOURCE : 3ème civ, 12 avril 2018, n° 16-26.514 FS-P+B+I
Au cours de la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé ou de la révision du loyer en cours de bail et plus particulièrement durant le temps de l’expertise, le juge des loyers fixe généralement le montant du loyer provisoire au montant du dernier loyer payé.
Lorsqu’intervient le jugement ou l’arrêt fixant le montant du loyer, le preneur est tenu d’acquitter un complément, ou le bailleur de restituer le trop perçu, outre des intérêts de retard.
Historiquement, avant un revirement de 1988, la Cour de cassation estimait que les intérêts courent du jour de la demande en fixation du nouveau loyer, par le seul effet de la loi[1]. Mais depuis un arrêt du 23 mars 1988, la Cour de cassation considérait que les intérêts devaient être calculés à compter de la date d’effet du renouvellement du bail et au fur et à mesure des échéances mensuelles[2].
Par un arrêt du 3 octobre 2012, la Cour de cassation abandonnait finalement cette position pour revenir à sa jurisprudence antérieure fondée sur une application plus stricte des dispositions de l’article 1155 du Code civil. Elle considère désormais[3] que les intérêts de retard attachés aux loyers courent, en l’absence de convention contraire, du jour de la demande en fixation du nouveau loyer par le seul effet de la loi[4].
Certaines juridictions du fond semblent toutefois conserver des réminiscences de la période antérieure, à l’instar de la Cour d’appel d’Amiens laquelle, au titre des intérêts et de la capitalisation, a rejeté la demande d’un bailleur selon la motivation suivante :
« le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile permettant la variation automatique du loyer de nature à éviter que se crée un différentiel de loyer tel qu’il résulte de la présente fixation par rapport au loyer fixé au bail expiré »
La censure était donc inévitable, la Cour de cassation rappelant que les intérêts dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer payé depuis le renouvellement courent, en l’absence de convention contraire, à compter de la délivrance de l’assignation en fixation du prix.
L’intérêt de l’arrêt ne semble cependant pas se cantonner au rappel à la règle de droit, qui ne méritait vraisemblablement pas une telle publication (FS-P+B+I), mais au contraire sur l’impact de la réforme du code civil sur cette jurisprudence relative au point de départ des intérêts. Plus précisément, l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 a abrogé les dispositions de l’article 1155 du Code civil, et créé un nouvel article 1231-6 qui dispose que :
« Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. »
Dispositions qui se distinguent de celles de l’ancien article 1155 du Code civil qui fixait le point de départ des intérêts à la date de la demande [en justice].
L’arrêt attire donc l’attention du praticien sur l’existence de la réforme dont il faut espérer qu’elle ne conduise pas à un nouveau revirement de jurisprudence.
Une position claire de la Cour de cassation est donc, sur ce point, particulièrement attendue.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] 3ème civ, 20 mars 1969, n° 66-13.915
[2] 3ème civ, 23 mars 1988, n° 86-18-067 ; 3ème civ, 30 janv. 1991, n° 89-19.981
[3] 3ème civ, 18 juin 2014, n°13-14715, commenté sur Vivaldi-chronos
[4] 3ème civ, 3 oct. 2012, n° 11-17.177