Plus-values sur cession de titres : exclusion de l’abattement renforcé pour les holdings animatrices dont les filiales ne respectent pas la condition d’ancienneté

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

Petit tout rapide à l’occasion de la publication des derniers litiges sur l’abattement renforcé de la fiscalité des cessions de titre

Arrêt de la CAA de Versailles du 26 juin 2025, n°23VE00322

I-

Les plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux réalisées par les particuliers depuis le 1er janvier 2018 sont soumises de plein droit à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12,8 % (auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %), soit un PFU à 30%. Les contribuables peuvent toutefois opter (option expresse et irrévocable) pour l’imposition de l’ensemble de leurs revenus de capitaux mobiliers et plus-values de cession de valeurs mobilières au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Cette option et partant l’imposition selon le barème progressif, permet l’application des abattements pour durée de détention sur les plus-values de cession de titres acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018 et notamment de l’abattement renforcé codifié aujourd’hui à l’article 150-0 D-1quater-A du CGI.

Conformément à l’article 150-0 D-1quater-B-2° du CGI, le bénéfice de l’abattement pour durée de détention renforcé est soumis au respect par la société émettrice des titres ou droits cédés d’un ensemble de conditions :

–  la société est créée depuis moins de dix ans à la date de souscription ou d’acquisition des titres ou droits cédés,

-elle n’est pas issue d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes,

-elle est une PME au sens du droit de l’Union européenne, elle doit exercer une activité opérationnelle ou être une société holding animatrice

Lorsque la société émettrice est une holding animatrice (société qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales), le respect de ces conditions s’apprécie non seulement au niveau de la holding elle-même, mais aussi au niveau de chacune de ses filiales.

A noter que l’abattement renforcé prévu à l’article 150-0 D, 1 quater-A du CGI a été abrogé à compter du 1er janvier 2018 [1]

Les cessions réalisées à compter de 2018 sont soumises au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 12,8 % pour l’impôt sur le revenu (hors prélèvements sociaux), sauf option globale pour le barème progressif, auquel cas l’abattement de droit commun (et non renforcé) peut s’appliquer pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018 (« Les plus-values distribuées depuis le 1er janvier 2018 sont soumises de plein droit au prélèvement forfaitaire unique (PFU) prévu à l’article 200 A, 1 du CGI sauf option globale pour le barème progressif (CGI art. 150-0 F dans sa rédaction issue de l’art. 28, I-18° de la loi 2017-1837 du 30-12-2017 et art. 239 nonies, II-1-d).

Tableau comparatif des abattements applicables aux plus-values mobilières (2013-2025)

Période de cessionAbattement de droit communAbattement renforcé (150-0 D, 1 quater-A)Régime applicable après 2018
Avant 2013NonNonTaux forfaitaire
2013 – 2017OuiOui (si conditions remplies)Barème progressif + abattement
Depuis 2018 (titres acquis avant 2018, option barème)OuiNonPFU ou barème + abattement commun

 II-

En l’espèce, M. et Mme B. ont fait l’objet d’un contrôle fiscal sur pièces pour les années 2015 et 2017, suite à des cessions et rachats de titres de la société F par M. B. L’administration a considéré ces plus-values comme imposables et leur a appliqué un abattement de 65%, mais a refusé le bénéfice de l’abattement renforcé de 85%.

Les contribuables ont contesté cette position, estimant que F n’était pas une holding animatrice, ce qui aurait limité l’appréciation des conditions d’éligibilité à la seule holding. Ils ont également soulevé des moyens de procédure (méconnaissance de l’article L. 47 du LPF relatif à l’examen de situation fiscale personnelle, et violation des droits de recours hiérarchique) et contesté l’application de la majoration pour manquement délibéré. Après rejet de leur réclamation ils ont saisi la juridiction administrative.

La juridiction administrative rejette son recours aux motifs suivants :

-Concernant l’application de l’abattement renforcé de 85% :.La société F détenait les sociétés Cabinet BT et Cabinet BG. La Cour a analysé l’activité de F, en se basant sur son objet social, la composition de son actif (principalement des titres de participations), l’emploi de salariés, et les prestations de services rendues à ses filiales.  Sur la base de ces éléments, la Cour a conclu que la société F était bien une holding animatrice. Dès lors, et en application des dispositions de l’article 150-0 D du CGI, les conditions d’éligibilité à l’abattement renforcé devaient être appréciées non seulement au niveau de F, mais aussi au niveau de ses filiales.

Or, la Cour a constaté que la société Cabinet BT avait été créée en 1989, soit plus de dix ans avant les cessions litigieuses. Cette seule condition non remplie au niveau d’une filiale a suffi à écarter le bénéfice de l’abattement de 85%, justifiant ainsi l’application de l’abattement de 65% par l’administration. Les contribuables ont également demandé le bénéfice du système du quotient pour les revenus exceptionnels. La Cour a rejeté cette demande, constatant que le montant des plus-values après abattement restait inférieur à la moyenne des revenus des requérants sur les trois années précédentes, ne remplissant donc pas la condition d’un revenu « exceptionnel » au sens de l’article 163-0 A du CGI. En conséquence, les prélèvements sociaux et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ont également été maintenus.

-Enfin, sur les pénalités pour manquement délibéré (40%), la Cour a jugé que l’administration avait apporté la preuve du caractère délibéré du manquement. Elle a notamment relevé que les cessions avaient été réalisées au profit de sociétés détenues ou contrôlées par les contribuables, qu’ils ne pouvaient ignorer l’existence de ces plus-values, et que les montants non déclarés étaient significatifs (29% des revenus déclarés en 2015 et 74% en 2017). La répétition et l’ampleur des omissions ont été des facteurs déterminants pour établir la mauvaise foi.


[1] Article 28 de la loi 2017-1837 du 30 décembre 2017

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