La Cour de cassation intervient pour considérer que la révocation du gérant peut en effet intervenir pour des anomalies ou irrégularités comptables, lesquelles peuvent constituer une cause légitime tel qu’exigée par l’article L223-25 du Code de commerce. Les circonstances selon lesquelles ces erreurs n’auraient eu que peu de conséquences ne sont dès lors, pas susceptibles d’écarter la révocation du gérant.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 janvier 2023, 21-18.985, Inédit
Si les anomalies comptables peuvent permettre d’engager la responsabilité du dirigeant par le truchement de l’action ut singuli (c’est-à-dire l’action des associés intentée contre un mandataire social, et pour le compte de la société), notamment lorsqu’un contrôle fiscal fait apparaitre des anomalies en comptabilité, procédant d’une volonté de dissimulation d’opérations au détriment de la société (C.Cass, Com, 3 Novembre 1988, N°88/13947), le cas d’espèce concerne le cas de sa potentielle révocation judiciaire.
Dans un arrêt quoiqu’inédit, les associés d’une SARL assignent leur gérant au fin d’obtenir sa révocation judiciaire en raison de ses manquements dans la gestion de la société. Ils n’obtiennent pas gain de cause devant les premiers juges, mais se pourvoient en cassation.
Ils considèrent en effet que si le gérant est révocable par les tribunaux en cas de cause légitime, celle-ci est constituée par le simple constat de l’existence d’irrégularités et anomalies imputables à la gestion par le mandataire social.
Les demandeurs se heurtent à l’appréciation des juges du fond qui considèrent à leur tour que certes ces irrégularités et anomalies existent, mais :
- Elles constituent essentiellement des erreurs qui n’ont pas eu pour conséquence de favoriser un associé ou le dirigeant au détriment des autres.
Ou
- Elles peuvent encore être régularisées.
Le Code de commerce organise la révocation d’un gérant de SARL dans les conditions suivantes :
« Le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l’article L. 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.
En outre, le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.
Par dérogation au premier alinéa, le gérant d’une société à responsabilité limitée exploitant une entreprise de presse au sens de l’article 2 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse n’est révocable que par une décision des associés représentant au moins les trois quarts du capital social.
Dans ce cas d’espèce, un rapport d’expertise relate des irrégularités et anomalies constatées sur des postes des comptes de la SARL, mais précise qu’il s’agit essentiellement « d’erreurs qui n’ont pas eu pour conséquence de favoriser un associé ou le dirigeant au détriment des autres associés et que les provisions non justifiées peuvent être régularisées ».
C’est la raison pour laquelle les juges du fond ont rejeté la demande de révocation, considérant ces irrégularités insuffisantes pour constituer une cause légitime de révocation judiciaire du gérant.
La Cour de cassation a réagi néanmoins différemment :
« 9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, nonobstant leurs conséquences limitées, les anomalies comptables constatées ne justifiaient pas, en elles-mêmes, la révocation du gérant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »
En conclusion, le gérant d’une SARL peut bien être révoqué pour des anomalies ou irrégularités comptables, quand bien même leurs conséquences seraient limitées, et sans impact sur les associés
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