Pacte Dutreil et holdings mixtes

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

Source : CCass, 14/10/2020, n°1817955, publié au Bulletin

 

Pour mémoire, grâce au dispositif de faveur dit Dutreil transmission prévu à l’article 787 B du CGI, les transmissions à titre gratuit (par décès ou entre vifs) de titres d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit à concurrence de 75% de la valeur des titres transmis lorsque les parties à cette transmission prennent différents engagements et notamment celui de conserver les titres de façon collective puis individuellement.

 

S’il est admis que la société dont les titres sont transmis puisse avoir une activité civile (c’est-à-dire la gestion de son propre patrimoine) en sus de l’activité opérationnelle, celle-ci doit être prépondérante pour que le régime de faveur s’applique. La société a alors une activité dite « mixte ».

 

Aux termes du BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, l’administration fiscale précisait les conditions d’appréciation du caractère prépondérant de l’activité opérationnelle : « Le caractère prépondérant de l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale s’apprécie au regard de deux critères cumulatifs que sont le chiffre d’affaires procuré par cette activité (au moins 50 % du montant du chiffre d’affaires total) et le montant de l’actif brut immobilisé (au moins 50 % du montant total de l’actif brut) ».

 

Cette doctrine administrative a été annulée par un arrêt du Conseil d’Etat du 23 janvier 2020 commenté dans le cadre de la présente newsletter, au motif que ces critères n’étaient pas pertinents.

 

La Cour de Cassation se positionne à son tour. Ce sont en effet les juridictions judiciaires qui sont compétentes pour juger des litiges entre les contribuables et l’administration fiscale en matière de droits d’enregistrement (droits de donation).

 

En l’espèce, l’administration fiscale a remis en cause l’application de l’exonération partielle consécutive à la conclusion d’un pacte Dutreil d’une donation portant sur les titres d’une société holding mixte au motif que l’activité développée par la société était, à titre prépondérant, une activité civile de gestion de valeurs mobilières, non éligible au régime de faveur. Pour motiver sa position l’administration fiscale avait appliqué la doctrine sus évoquée c’est-à-dire a pris en compte le critère du chiffre d’affaires et celui du montant de l’actif brut immobilisé.

 

La Cour de Cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’Appel qui a ordonné le dégrèvement des suppléments d’impôts mis à la charge des contribuable au motif que la prépondérance de l’activité opérationnelle de la société était démontré dès lors que le montant de l’actif brut immobilisé représente 61,24 % du montant de l’actif brut à la clôture de l’exercice. Elle estime la juridiction d’appel a statué « par des motifs impropres à établir que la société holding avait pour activité principale l’animation de son groupe ».

 

La Cour de Cassation entend ainsi arriver au même résultat que celui auquel a abouti la Cour d’Appel mais par un chemin différent en modifiant les critères d’appréciation de la prépondérance de l’activité opérationnelle.

 

Elle juge donc que le régime de faveur du pacte Dutreil « s’applique aussi à la transmission de parts ou actions de sociétés qui, ayant pour partie une activité civile autre qu’agricole ou libérale, exercent principalement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, cette prépondérance s’appréciant en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice ».

 

La Cour de Cassation reprend ainsi la formule du Conseil d’Etat.

 

Elle précise néanmoins le critère d’appréciation en jugeant que « le caractère principal de son activité d’animation de groupe devant être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total ».

 

Cet arrêt vient ainsi compléter la jurisprudence administrative qui avait jugé non pertinents les critères appliqués par l’administration fiscales sans pour autant déterminer de façon concrète les élément à prendre en compte dans le faisceau d’indices à établir.

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