Une proposition de loi relative à la fiscalité de la succession et de la donation déposée au Sénat

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

Source : Proposition de loi n° 710 visant à adapter la fiscalité de la succession et de la donation aux enjeux démographiques, sociétaux et économiques du XXIe siècle Exposé des motifs

 

Les auteurs de la proposition de loi estiment que « la question de la fiscalité de la transmission du patrimoine en France mérite [également] d’être posée. En effet, cette dernière semble être particulièrement inadaptée eu égard aux enjeux économiques, sociaux et sociétaux de notre époque alors qu’environ la moitié des Françaises et des Français bénéficie au cours de sa vie d’un héritage égal ou supérieur à 5 000 €. »

 

Leur objectif « est de rééquilibrer un dispositif connaissant tellement d’exceptions qu’il bénéficie en définitive aux très grandes fortunes au détriment des autres contribuables. Par la simplification des droits de succession et par un rééquilibrage de la progressivité du dispositif, il sera possible d’obtenir un dispositif plus lisible, plus simple et plus juste sur le plan fiscal et social

 

« En outre, les auteurs de la présente proposition de loi intègrent dans leur réflexion une préoccupation intergénérationnelle à l’importance croissante. Les droits de succession dans leur forme actuelle ont été pensés à une période où l’âge moyen des héritages n’était pas le même qu’aujourd’hui. L’allongement de l’espérance de vie a pour conséquence un âge moyen d’héritage d’environ 50 ans. Ce dernier sera même de 55 ans d’ici à la moitié du siècle. Cet état de fait a une première conséquence sur le plan économique : le cycle de vie se traduisant par des variations de consommation et d’investissement en fonction de l’âge, cette situation peut apparaître comme étant sous-optimale pour l’économie française.

 

Une deuxième conséquence, sociale, doit être évoquée : alors que l’ensemble des acteurs politiques français estiment aujourd’hui que la jeunesse de notre pays doit être encouragée, le dispositif actuellement en vigueur est incontestablement contre-productif en ce qu’il concentre les capacités d’investissement sur des personnes ayant déjà, du moins assez largement, construit leur vie et constitué un patrimoine personnel. Notamment, la réforme des droits de succession pourrait constituer une réponse, sans doute incomplète mais toutefois largement positive, en matière d’accession à la propriété dans un contexte de flambée des prix de l’immobilier.

 

Sur le plan sociétal enfin, l’évolution des modes de vie des Français et la diversification des structures familiales rend légitimes une réflexion d’ensemble sur un dispositif prévu à une époque très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. En cela, la problématique de la réserve héréditaire et de son adaptation à la société est posée par les auteurs de la présente proposition de loi.

 

Pour l’ensemble de ces raisons, une révision d’ensemble, équilibrée, de la fiscalité des successions et, dans un souci de cohérence, des donations est pleinement légitime

 

Le premier chapitre de cette proposition de loi vise à répondre à l’évolution sociodémographique de notre société et à favoriser en ce sens les transmissions intergénérationnelles en encourageant notamment les donations et successions entre les grands-parents et leurs petits-enfants.

 

L’article 1′ aligne le montant des abattements entre grands-parents et petits-enfants, tant dans le cas d’une donation que d’un héritage, à 150 000 €, soit le même montant que dans le cas d’une transmission en ligne directe. De même, dans l’hypothèse d’une succession au bénéfice d’un neveu ou d’une nièce, l’abattement est porté à 50 000 € dans l’hypothèse où le légataire ou le donateur n’a pas de descendance en ligne directe.

 

L’article 2 vise à encourager les donations au profit des petits-enfants en accroissant l’abattement existant et en raccourcissant le délai de renouvellement de ce dernier à dix années, dans l’hypothèse d’un bénéficiaire âgé de moins de quarante ans.

 

L’article 3 vise à réformer la réserve héréditaire et la quotité disponible afin de conserver une obligation de transmission à ses ayants droits directs tout en augmentant les possibilités autres de transmission du patrimoine, ceci afin de renforcer les possibilités de legs intergénérationnel, notamment en faveur de jeunes majeurs caractérisés par des besoins de financement plus importants du fait de leur âge. De plus, cette disposition permet de mieux prendre en considération, sur le plan fiscal, la diversité croissante des structures familiales.

 

Dans le deuxième chapitre, les auteurs de la proposition de loi proposent la mise en place d’une progressivité plus cohérente de l’imposition des héritages, afin de limiter les effets de seuil existants.

 

L’article 4 réforme tout d’abord les tarifs des droits de mutation à titre gratuit applicables. La définition d’une progressivité plus linéaire, autour d’un point de bascule fixé à 300 000 €, apparaît équilibrée, d’autant que les abattements existant s’appliquent sur cette grille. C’est en ce sens que des seuils de 15 000 €, 50 000 €, 150 000 €, 300 000 €, 600 000 € et 1 200 000 € sont proposés, afin de lisser la progressivité réelle de l’imposition au titre des droits de mutation à titre gratuit.

 

La même logique est appliquée au barème applicable aux successions entre personnes mariées ou pacsées. Enfin, en ce qui concerne le barème applicable pour les autres situations familiales ou en l’absence de liens familiaux, les montants de seuils sont simplement arrondis car le dispositif apparaît d’ores et déjà équilibré.

 

L’article 5 propose l’intégration dans la part nette taxable prise en considération de l’ensemble des successions perçues dans le passé par l’ayant droit. Il permet ainsi de traiter équitablement, d’un point de vue fiscal, des personnes percevant un seul héritage ou plusieurs héritages au cours de sa vie.

 

L’article 6, afin de préserver le capital des ménages modestes subissant notamment le renchérissement du prix de l’immobilier, vise à augmenter de 100 000 € à 150 000 € l’abattement général existant.

 

Un dernier chapitre a pour objectif de simplifier l’assiette des droits de succession et de donation pour en accroître la lisibilité et l’équité.

 

L’article 7 propose d’intégrer dans l’assiette des droits de mutation à titre gratuit des assurances vie afin d’éviter les comportements d’évitement fiscal largement constatés aujourd’hui du fait d’une fiscalité démesurément avantageuse.

 

Les auteurs estiment que l’intégration des assurances vie dans l’assiette des droits de succession permettra de simplifier le dispositif et d’en accroître la progressivité, sans que cela ne se traduise par une hausse de fiscalité pour la classe moyenne mais seulement pour les foyers fiscaux utilisant le dispositif dans un but très clair d’optimisation fiscale, et ceci sur des montants très conséquents.

 

L’article 8 vise, tout en maintenant un encouragement à la transmission d’entreprise, à rationaliser un dispositif dont l’efficacité économique n’est pas démontrée et qui constitue un biais aboutissant à un déséquilibre net de l’effort contributif des Françaises et des Français. Ainsi, il est proposé de ramener l’exonération existante de 75 % à 25 %. Afin d’éviter une application trop brutale, l’article prévoit l’organisation d’une période transitoire de 10 ans permettant de lisser les effets de seuil générés par une telle mesure.

 

L’article 9 vise à supprimer plusieurs exonérations partielles de droits de succession en raison de la nature des biens transmis dont le bien-fondé n’est pas établi et qui contribue de facto à générer des inégalités de traitement entre les contribuables.

 

L’article 10 vise à harmoniser les dispositifs existants dans les outremers en matière de droits de mutation à titre gratuit pour les immeubles et droits immobiliers en vigueur à Mayotte à l’ensemble des outremers.

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Vivaldi Avocats