Pacte d’actionnaire conclu avec un salarié actionnaire : validité de la clause instituant une décote du prix des actions en cas de licenciement.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

  

SOURCE : Cass Com., 07 juin 2016, Arrêt n°14-17.978, FS+B.

 

Une salariée avait été embauchée par un contrat de travail du 09 septembre 2001 par une société au sein de laquelle elle exerçait les fonctions de directrice commerciale.

 

Par décision du Conseil d’Administration du 17 janvier 2006, la salariée s’est vue attribuer gratuitement 5128 actions nouvelles de la société, représentant 2,5 % du capital, qui se sont ajoutées à celles qu’elle possédait déjà, la salariée possédant au total 6129 actions de la société.

 

Le 03 avril 2006, la société mère de la société employeuse et la salariée vont régulariser un pacte d’associés dans lequel il est notamment stipulé que la salariée, en cas de perte de la qualité de salariée de la société, promet de céder aux autres parties la totalité des titres qu’elle détiendrait et prévoit que le prix de cession des titres, en cas de cessation de ses fonctions pour cause de licenciement autre que faute grave ou faute lourde, sera du montant évalué à dire d’expert dégradé du coefficient de 0,5.

 

La salariée va être licenciée le 25 mai 2009 et va contester son licenciement en saisissant la Juridiction Prud’homale.

 

Par Jugement du 20 septembre 2012, le Conseil des Prud’hommes de BOULOGNE va déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

 

Parallèlement à cette procédure, la salariée va saisir le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE aux fins de désignation d’un Expert afin de déterminer la valeur de ses actions.

 

L’Expert va déposer son rapport le 10 février 2012 concluant à l’évaluation des 6129 actions de la salariée à la somme de 155 276 €.

 

Par suite, la salariée faisait signifier à la société un procès verbal d’offre de remise réelle portant sur les 6129 actions de la société en exécution du pacte d’associés du 03 avril 2006, ce même procès verbal faisant sommation de payer la somme de 155 276 €.

 

La société faisait remettre un chèque de 77 638 €, prétendant à l’application de la clause du pacte aux termes laquelle le prix devait être dégradé du coefficient de 0,5.

 

Par suite, la salariée assignait l’entreprise devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE en paiement du solde du prix, soit la somme de 77 638 €.

 

Déboutée par un Jugement du Tribunal de Commerce du 27 septembre 2012, la salariée fait appel de ce Jugement, prétendant que les dispositions du pacte d’associés sont contraires aux dispositions d’ordre public de l’article 1843-4 du Code Civil prévoyant la fixation du prix de cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ceux-ci par la société à dire d’Expert à défaut d’accord entre les parties, dont elle prétend que ces dispositions doivent prévaloir sur les stipulations du pacte d’associés qu’elle a signé.

 

Toutefois, la Cour d’Appel de VERSAILLES dans un Arrêt du 20 mars 2014, va considérer que le pacte d’associés relevant d’une obligation purement contractuelle n’entre pas dans le champ d’application de l’article 1844-3 du Code Civil et va affirmer que les parties ayant conclu une convention entre associés dont l’objet est d’assurer, moyennant un prix librement et valablement convenu, déterminable, la transmission des droits sociaux de la salariée en cas de perte de sa qualité de salariée, contenant une promesse synallagmatique de vente, cette convention faisant la loi entre les parties et la salariée étant mal fondée à demander que lui soient déclarées inopposables les dispositions du pacte qu’elle a signé, soutenant à tort avoir été dans un lien de subordination avec la société mère de la société employeuse, signataire de la convention conclue, laquelle n’était pas son employeur.

 

La Cour va également relever que cette clause participait de l’équilibre général du contrat qui s’inscrivait dans un processus d’amélioration de la rémunération de la salariée, mais également d’association à la gestion et d’intéressement au développement de la valeur de l’entreprise, avantage consenti en contrepartie de son activité au profit de l’entreprise, de sorte que cet équilibre résultait de la commune intention des parties justifiant la décote appliquée.

 

Ensuite de cette décision, la salariée forme un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, elle prétend que le lien de subordination dans lequel elle était placée ne lui a pas permis de donner un consentement libre à la clause litigieuse et prétend également qu’est prohibée à l’encontre du salarié toute sanction pécuniaire non prévue par la loi et que le fait pour un employeur d’obtenir d’un salarié auquel il avait été attribué gratuitement des parts sociales à titre de complément de rémunération, l’engagement de rétrocéder ses parts à moindre prix en cas de licenciement, fut-il illicite, constitue incontestablement une sanction pécuniaire déguisée, ce que la Cour d’Appel s’est abstenue de relever.

 

Mais la Chambre Commerciale ne va pas suivre la salariée dans son argumentation.

 

Relevant que la salariée qui avait, en réalité, contracté avec la société mère de la société employeuse, de sorte qu’elle soutenait à tort qu’elle était dans un lien de subordination avec cette dernière qui n’était pas son employeur et relevant enfin que la clause d’un pacte d’actionnaires passé entre un salarié détenant des actions de la société qui l’emploie, dont partie lui a été remise à titre gratuit et la société mère de son employeur, en présence de dernier, prévoyant que le salarié promet irrévocablement de céder la totalité de ses actions en cas de perte de cette qualité, pour quelque raison que ce soit et qu’en cas de cessation des fonctions pour cause de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix de cession des titres serait le montant évalué à dire d’Expert dégradé du coefficient de 0,5, ne s’analyse pas en une sanction pécuniaire prohibée en ce qu’elle ne vise pas à sanctionner un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, dès lors qu’elle s’applique également dans toutes les hypothèses de licenciement autre que disciplinaire, de sorte que par suite l’Arrêt d’Appel se trouve parfaitement justifié.

 

Par suite, la Chambre Commerciale rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

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