Nouvelle illustration de créances connexes en procédure collective

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : Cass com., 27 septembre 2016, n°15-10393, Publié au bulletin

 

Exception au principe de l’interdiction de payer toute créance antérieure au jugement d’ouverture d’une procédure collective[1], la créance déclarée au passif[2], peut être acquittée par compensation avec une créance connexe de la procédure collective, lorsqu’il existe entre les créances réciproques un lien d’interdépendance.

 

La compensation résulte généralement d’obligations réciproques procédant d’une même convention ou d’un ensemble contractuel, que la créance ou la dette soit contractuelle ou délictuelle[3]. Ainsi, pour la troisième chambre civile de la Cour de cassation, la créance de loyer du bailleur se compense avec sa condamnation à financer des travaux à réaliser sous astreinte dans l’immeuble[4].

 

L’espèce commentée s’inscrit dans ce contexte : Un preneur à bail en liquidation judiciaire s’abstient de payer les loyers et charges postérieurs au jugement d’ouverture, sollicitant leur compensation avec une créance de condamnation sous astreinte préalablement liquidée devant le juge de l’exécution.

 

Le bailleur avait néanmoins poursuivi la résiliation du bail, soutenant que « l’astreinte est destinée à assurer l’exécution d’une décision de justice et est indépendante des dommages-intérêts ainsi que de l’obligation contractuelle qu’une partie a été condamnée à exécuter [de sorte] qu’il n’y a pas connexité entre une dette d’astreinte, qui n’a pas une nature contractuelle, et une créance contractuelle de loyers même si l’astreinte a été ordonnée pour contraindre le bailleur à exécuter l’une des obligations contractuelles mises à sa charge par le bail ».

 

Il fondait sans doute son argumentation sur la jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, laquelle refuse toute compensation pour dettes connexes lorsque « l’une des créances réciproques dérivait du contrat ayant uni les parties, tandis que l’autre était dépourvue de fondement contractuel » [5],

 

Ni la Cour d’appel d’Aix en Provence, ni la Chambre commerciale de la Cour de cassation, ne vont suivre le raisonnement du bailleur. Elles considèrent que l’astreinte est l’accessoire de la condamnation qu’elle assortit, et n’est donc pas indépendante de l’obligation, objet de cette condamnation, dont elle vise à assurer l’exécution.

 

L’astreinte n’est donc pas, en l’occurrence, dépourvue de fondement contractuel.

 

Selon la Chambre commerciale, rejetant le pourvoi, « la cour d’appel en a exactement déduit que la créance d’astreinte présentait un lien de connexité avec la créance de loyers ».

 

Toute autre décision des juges du fond aurait été censurée.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1] Article L631-14 du code de commerce, applicable au redressement judiciaire (L631-14) et à la liquidation (L641-3)

[2] Cass. com., 15 oct. 1991, n° 89-20605 ; Cass Com., 18 mai 2016, n°13-28328, Inédit, et notre commentaire : «  Liquidation judiciaire du bailleur : le preneur doit déclarer au passif le montant du dépôt de garantie »

[3] 1re civ., 9 mai 2001, n° 98-22664, à propos de la compensation entre l’indemnité d’occupation et l’indemnité d’éviction ;

[4] 3e civ., 13 févr. 2002, n° 00-19943 : JurisData n° 2002-012962.

[5] Cass. com., 18 sept. 2007, 06-16070 ; Cass com., 19 mai 2004, n°01-12.767, Inédit

 

 

 

 

Partager cet article
Vivaldi Avocats