Le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être poursuivi pour diffamation.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : 1ère civ, 28 septembre 2016, n°15-21.823, FS-P+B+R+I.

 

Deux salariés employés en qualité d’employées polyvalentes par une société de restauration qui avait repris la gestion de la restauration collective d’un EHPAD, ont adressé à leur employeur, ainsi qu’à l’Inspecteur du Travail et au CHSCT, des courriers dénonçant des faits de harcèlement moral à l’encontre de deux autres salariés, l’un chef de cuisine, l’autre chef de secteur.

 

Considérant que les faits dénoncés étaient diffamatoires à leur encontre, les deux salariés mises en cause, ainsi que la société de restauration vont poursuivre les deux salariées devant les Juridictions Civiles en diffamation et dénonciation calomnieuse et demander leur condamnation au paiement de diverses sommes au titre de dommages et intérêts.

 

Saisie de cette affaire, la Cour d’Appel de PARIS, par un Arrêt du 08 janvier 2014, va faire droit à leurs demandes, considérant que si le droit du travail a institué au profit des salariés certaines dispositions protectrices afin qu’il leur soit loisible de dénoncer des faits de harcèlement sans risquer de se voir reprocher une prétendue diffamation, pour autant les articles 1152-1 et suivants du Code du Travail n’édicte pas une immunité pénale au bénéfice de celle ou de celui qui communique au moyen d’un écrit adressé comme en l’espèce, tant à la direction des ressources humaines de l’employeur, qu’à l’inspection du travail, relatant des faits supposés de harcèlement moral, qu’il n’en demeure pas moins que le rédacteur du courrier est redevable par-devant le Juge de la diffamation de la formulation de ses imputations ou allégations contraires à l’honneur ou à la considération des personnes ainsi visées.

 

Par suite, la Cour d’Appel, si elle considère qu’il n’y avait pas de dénonciation calomnieuse en l’espèce, retient toutefois le caractère diffamatoire des courriers adressés et confirme les condamnations en paiement de dommages et intérêts à l’encontre des deux salariées ayant dénoncé les faits.

 

Ensuite de cette décision, les deux salariées forment un pourvoi en Cassation.

 

Bien leur en prit, puisque la Haute Cour, énonçant que la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a reconnu au salarié la possibilité de dénoncer auprès de son employeur et des organes chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du Travail les agissements répétés de harcèlement moral dont il estime être victime, que dès lors la relation de tels agissements auprès des personnes précitées ne peut être poursuivie pour diffamation, que toutefois, lorsqu’il est établi par la partie poursuivante que le salarié avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi de celui-ci est caractérisée et la qualification de dénonciation calomnieuse peut, par suite, être retenue.

 

Par suite, l’Arrêt d’appel qui retient que si les articles L.1152-1 et suivants du Code du Travail ont instauré un statut protecteur au bénéfice du salarié qui est victime de harcèlement moral, ces dispositions n’édictent pas une immunité pénale au bénéfice de celui qui rapporte de tels faits au moyen d’un écrit, de sorte que son rédacteur est redevable devant le Juge de la diffamation de la formulation de ses imputations ou allégations contraires à l’honneur ou à la considération des personnes qu’il vise, a violé les dispositions légales.

 

Par suite, la Haute Cour casse et annule l’Arrêt d’Appel en ce qu’il a dit que les propos écrits par les salariés étaient diffamatoires et en ce qu’il a condamné les salariés à payer certaines sommes au titre de dommages et intérêts.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

 

 

 

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