Le principe de territorialité au secours des noms de domaine

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

SOURCE : Cour d’appel Paris, Pôle 5, Chambre 1, arrêt du 8 novembre 2016, Monsieur X. / Team Reager AB et Stone Age Limited

 

La société de droit suédois Team Reager AB, spécialisée dans la conception de produits et services pour les téléphones portables, a déposé le 19 octobre 2010 la marque verbale communautaire « Moobitalk », désignant notamment les services de télécommunications en classe 38.

 

M. X est un dirigeant de sociétés exploitant des services de communication regroupés autour du suffixe « moobi », et spécialement des services de type « tchat » dénommés « Moobichat » et « Moobitalk » dans différents pays du Moyen et Proche-Orient. Il a enregistré le 17 avril 2011 le nom de domaine « moobitalk.com ».

 

La société Team Reager AB a obtenu de l’OMPI, dans le cadre de la procédure administrative dite Uniform Dispute Resolution Procedure, le transfert du nom de domaine moobitalk.com à son profit.

 

M. X a donc saisi le Tribunal de grande instance de Paris pour voir juger qu’il est le titulaire légitime du nom de domaine moobitalk.com et en obtenir la restitution.

 

Le Tribunal a retenu que M. X avait commis des actes de contrefaçon de marque en réservant et en exploitant sur le territoire de l’Union européenne le nom de domaine moobitalk.com. Monsieur X. a formé appel de cette décision.

 

La Cour d’appel de Paris était donc chargée d’analyser si la réservation et l’exploitation dudit nom de domaine constituait bien un usage dans la vie des affaires d’un signe identique à la marque communautaire de la société Team Reager AB pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée, au sens de l’article 9 § 1 a) du Règlement (CE) n°207/2009 du 26 février 2009.

 

La Cour constate tout d’abord que l’extension « .com » n’a pas à être prise en considération, de sorte que le nom de domaine « moobitalk » est identique à la marque communautaire « Moobitalk », puis que le service de type « tchat » accessible depuis le site internet « moobichat.com » auquel renvoie le site « moobitalk » est indéniablement identique aux services de « télécommunications » de la classe 38 visés à l’enregistrement de la marque communautaire de la société Team Reager AB.

 

Ainsi, tous les éléments semblaient être réunis pour que la contrefaçon de marque soit caractérisée.

 

Seulement, la Cour d’appel de Paris, par le présent arrêt, a entendu introduire une condition supplémentaire tirée du principe de territorialité propre au droit des marques, en ces termes :

 

« Considérant, toutefois, que si l’utilisation d’un signe distinctif comme nom de domaine sur Internet peut constituer un acte d’usage dans la vie des affaires au sens de l’article 9 du règlement communautaire susvisé, un tel usage ne peut – en vertu du principe de territorialité auquel est soumis le droit des marques – constituer la contrefaçon d’une marque produisant effet en Union européenne, que si le public visé par le site litigieux est situé sur le territoire de l’Union européenne ».

 

En l’espèce, la Cour observe que le site internet « moobichat » auquel renvoie le site internet « moobitalk » offre un service de discussion uniquement aux abonnés à des opérations de téléphonie mobile situés dans des pays du Proche et du Moyen-Orient, l’utilisation de l’extension générique « .com » étant dépourvue de signification géographique et ne traduisant pas nécessairement la volonté de toucher le public partout dans le monde.

 

Le site internet litigieux ne visant pas le public situé sur le territoire de l’Union européenne, la Cour a donc infirmé le jugement.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats

 

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article