Mise à pied conservatoire : Conséquences de l’engagement tardif de la procédure de licenciement.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

Source : Chambre sociale de la Cour de cassation du 02 février 2022 n° 20-14.782 (F-D)

Un salarié, embauché le 1er février 2008 par une société d’expertise comptable en qualité de collaborateur confirmé, s’est vu notifier une mise à pied conservatoire le 05 octobre 2015 sans que l’employeur entame immédiatement la procédure de licenciement.

Le salarié a ensuite été convoqué le 04 décembre 2015 à un entretien préalable au licenciement, cet entretien étant fixé au 17 décembre 2015, tandis que le licenciement a été notifié le 21 décembre 2015.

La lettre de licenciement pour faute grave faisait état d’un manque d’implication du salarié et lui reprochait d’avoir orchestré son départ brutal de l’entreprise en détournant la clientèle et des salariés au détriment de la société l’employant, dont il était pourtant par ailleurs associé.

Contestant son licenciement, le salarié a fait citer son employeur devant le Conseil de Prud’homme afin de faire juger son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En cause d’appel, cette affaire arrive par-devant la Cour d’Appel de COLMAR, laquelle dans un arrêt du 30 janvier 2020, va considérer que la durée de la mise à pied conservatoire n’apparaît pas anormalement longue et ne saurait être considérée comme une sanction spécifique, dès lors que durant la période entre le 05 octobre 2015 et le 04 décembre 2015, les Conseils respectifs des parties avaient eu des échanges confidentiels portant sur une rupture conventionnelle du contrat de travail et la cession des parts sociales détenues par le salarié.

En outre, la Cour d’Appel considère que le comportement déloyal du salarié rendait impossible la poursuite du contrat de travail de sorte qu’elle considère que le salarié avait commis une faute grave et que son licenciement était régulier et fondé.

En suite de cette décision, le salarié forme un Pourvoi en Cassation.

A l’appui de son pourvoi, il prétend que l’employeur l’avait déjà sanctionné en lui notifiant une mise à pied et que pour avoir un caractère conservatoire, la mise à pied doit être suivie immédiatement ou être concomitante au déclenchement de la procédure disciplinaire, et que l’employeur ne justifiait pas d’investigation menée dans ce délai de deux mois entre la notification de la mise à pied et l’engagement de la procédure de licenciement.

La chambre sociale de la Haute Cour va acquiescer à l’argumentation du salarié.

Considérant les dispositions de l’article L 1331-1 du Code du travail aux termes desquelles aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction, elle casse et annule l’arrêt d’appel en ce qu’il a jugé que le salarié avait commis une faute grave et que son licenciement était régulier et bien fondé, au motif qu’ayant constaté que la procédure de licenciement avait été engagée près de deux mois après la notification de la mise à pied conservatoire et qu’aucun des motifs qu’elle avait retenus n’était de nature à justifier ce délai, de sorte que cette mesure présentait un caractère disciplinaire et que l’employeur ne pouvait décider ensuite à raison des mêmes faits de licencier le salarié.

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