Marques : l’appréciation de la distinctivité ne doit pas être globale.

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

Source : Tribunal de l’Union Européenne, 5ème Chambre, 8 mars 2018, affaire T.-665/16

 

L’article 7 du Règlement n° 207/2009 refuse l’enregistrement aux marques qui sont dépourvues de caractère distinctif, et notamment lorsque les marques sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation de services, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.

 

Une société s’est vue refuser l’enregistrement d’une marque semi figurative constituée de l’association de deux symboles de devises « € » et « $ », représentant l’euro et le dollar américain, insérés chacun dans un cercle.

 

En effet, l’Office de l’Union Européenne pour la propriété intellectuelle a considéré que les symboles figurant dans la marque demandée avaient un caractère descriptif, puisqu’ils seraient perçus comme informant le public pertinent que les produits et services en cause sont des opérations de change, des outils (logiciels informatiques) utiles à cette fin, des conseils dans ce domaine ou des informations (publications) dont le contenu est lié aux opérations de change. L’office en a déduit que la marque était non distinctive au regard des produits et services en objet.

 

Saisi d’un recours, le Tribunal de l’Union Européenne a été amené à vérifier si l’Office Européen des marques n’avait pas violé les dispositions de l’article 7 du règlement n° 207/2009 en motivant de façon insuffisante sa décision de rejeter l’enregistrement de la marque querellée.

 

A cette occasion, le Tribunal rappelle un principe fondamental selon lequel l’examen des motifs absolus de refus d’enregistrement d’une marque doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et la décision par laquelle l’autorité compétente refuse l’enregistrement d’une marque doit, en principe, être motivée desdits produits et services[1].

 

Toutefois, s’agissant de cette dernière exigence, la Cour a précisé que l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés lorsque le même motif de refus est opposé par une catégorie ou un groupe de produits ou de services. Cette faculté ne s’entend qu’à des produits ou des services présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante. Cette appréciation doit bien évidemment être effectuée in concreto pour l’examen de chaque demande d’enregistrement.

 

En l’espèce, la marque concernée vise plus de 80 produits et services relevant de trois classes distinctes et concernant des domaines aussi différents que les logiciels, les appareils pour l’enregistrement, la transmission ou la reproduction de sons ou d’images, les opérations de change, les services d’agent immobilier, la constitution de fonds d’investissement, les assurances, la publication de textes autres que textes publicitaires.

 

Or l’Office des marques n’a pas approfondi son analyse en retenant simplement que les produits et services visés par la marque possédaient un lien avec les opérations de change, ce qui n’est pas le cas au regard des produits et services cités. La motivation globale de la décision attaquée s’avère donc insuffisante par rapport à certains produits et services visés par la marque, qui ne sont pas liés aux opérations de change.

 

Le renvoi de la Chambre des recours de l’Office des marques à l’analyse de l’examinateur n’est pas non plus suffisant, puisque la motivation de la décision de l’examinateur n’apporte pas plus de distinction entre les produits et services visés.

 

La décision de l’Office de l’Union Européenne des marques a donc été annulée dans son intégralité pour défaut de motivation.

 

Cette décision est heureuse, puisqu’elle assure un important degré de sécurité juridique aux justiciables. Il est en effet indispensable que la motivation des Offices des marques permette, d’une part, aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles l’enregistrement d’une marque a été refusée et, d’autre part, à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats



[1] arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/DELUXE ENTERTAINMENT SERVICES GROUP, C-437/15.

 

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